« Mais restent toujours les heures, n’est-ce pas ? Une heure et puis une autre… »
C’est à New York, à la fin du XXe siècle.
C’est à Londres, en 1923.
C’est à Los Angeles, en 1949.
Nous suivons la journée – une seule journée – de trois femmes différentes. La première se nomme Clarissa Vaughn. Elle donne une réception pour son ami poète, malade à cause du Sida. La deuxième est la célèbre Virginia Woolf, au moment où elle commence à écrire Mrs. Dalloway, et aussi au moment où elle lutte contre la folie qui menace de l’emporter. Enfin, la troisième est plus inconnue, plus vague, c’est Laura Brown, une femme au foyer qui, en lisant le roman de Woolf, rêve d’une autre vie, sans attaches familiales, avec seulement les livres. Et par alternance, nous suivons ces femmes, qui n’ont à priori pas de points communs. Sauf que Mrs. Dalloway est le surnom que donne le poète à Clarissa, que ce poète est lié à Laura Brown, et que c’est Virginia Woolf qui permet ces liens littéraires…Mrs. Dalloway devait au début s’appeler Les Heures.
L’écriture est maîtrisée, quoique dense, et très belle, très poétique, très évocatrice. Elle permet de mettre en lien les différentes associations avec les trois personnages, de les relier, par des thèmes, des échos, des résonnances – les oiseaux qui chantent en grec, l’eau, les heures, la maladie, la figure du poète, les livres, l’amour…Autant de choses qui évoquent aussi la vie de a vraie Virginia Woolf, qui demeure la clef pour entrer dans ce livre, qui est un hommage à cette écrivain.
Que se passe-t-il dans cette histoire ? Il s’agit d’une journée, une seule et unique journée parmi d’autres, et qui pourtant s’avèrent décisives pour ces trois femmes, car il s’y passe à la fois tellement et si peu de choses – tant de détails anonymes, anodins, et pourtant empreints de l’essence de leur vie.
« Oui, pense Clarissa, il est temps que le jour prenne fin. Nous donnons nos réceptions ; nous abandonnons notre famille pour vivre seuls au Canada ; nous nous escrimons à écrire des livres qui ne changeront pas la face du monde, malgré nos dons et nos efforts obstinés, nos espoirs les plus extravagants. Nous menons nos vies, nous faisons ce que nous avons à faire, et puis nous dormons – c’est aussi simple et banal que cela. Certains se jettent par la fenêtre ou se noient ou avaient des pilules ; plus nombreux sont ceux qui meurent par accident ; et la plupart d’entre nous, la vaste majorité, est lentement dévorée par une maladie ou, avec beaucoup de chance, par le temps seul. Mais il y a ceci pour nous consoler : une heure ici ou là pendant laquelle notre vie, contre toute attente, s’épanouit et nous offre tout ce dont nous avons jamais rêvé, même si nous savons tous, à l’exception des enfants (et peut-être eux aussi) que ces heures seront inévitablement suivies d’autres, ô combien plus sombres et plus ardues. Pourtant, nous chérissons la ville, le matin ; nous voudrions, plus que tout, en avoir davantage.
Le ciel seul sait pourquoi nous l’aimons tant. »
Le livre est, de ce fait, tel que je me souviens du film : dense, complexe, rempli de références, d’échos et surtout triste, mélancolique, parsemé par la mort et la vie. Une énigme. Et puis les heures, encore les heures…toujours…les heures.