Il est des lectures dont on ressort sans pouvoir définir si on les a aimées ou détestées (Belle du seigneur, par exemple). Il est d’autres lectures dont on ressort déçu ou simplement, auxquelles on n’a pas accroché. Et il y a des lectures qui inexplicablement nous plaisent, mais dont on est bien content d’enfin sortir.
La Maison des feuilles est un ovni littéraire, publié au début des années 2000. Et ça fait bien longtemps (depuis la fois où ado, j’ai lu l’histoire d’Amytiville) qu’aucun bouquin ne m’aura fait flipper à ce point. Ni fait autant d’effet.
C’est un récit enchâssé. On tombe sur un narrateur, Johnny Errand (dont les digressions sont barbantes la plupart du temps, surtout à partir du milieu) qui nous présente comment il a découvert et annoté le manuscrit annoté d’un type nommé Zampano. Ce manuscrit n’est autre que La Maison des feuilles. Qui se trouve être en fait, un récit, une analyse autour d’un film nommé le « Davidson records ». Et c’est là qu’on a l’histoire qui nous intéresse réellement : les Navidson sont une famille ayant acheté dans une maison, pour que le couple se rapproche et renoue des liens. Ils filment continuellement leur nouvelle vie. Et tout vire à la catastrophe quand ils se rendent que leur maison possède un débarras qui n’est indiqué sur aucun plan de la maison. Un débarras qui s’agrandit de quelques centimètres. Puis de plus en plus. Et dont la porte ouvre finalement sur un couloir obscur, glacial, infini, qui mène vers d’autres pièces, corridors, vestibules, escaliers semblant sans fin. Une exploration, on manque de s’y perdre. D’autres explorations suivent, et la partie inconnue de la maison s’agrandit, change de structure, toujours obscure et froide. Et d’ailleurs, rien n’y survit très longtemps…
Bref, vous aurez compris que voilà une histoire d’horreur bien prenante. Trop prenante, en fait. J’ai eu le tort d’en lire le premier chapitre un soir, et d’avoir immédiatement enchaîné sur un cauchemar, ce qui a fait que je lisais ensuite le bouquin dans la journée. Ca ne m’empêchait pas d’être relativement angoissée en contemplant ensuite mes murs d’appartement, une fois le soir venu ^^’ Et je suis bien contente d’en être débarrassée, en ayant enfin achevé la lecture.
Rares sont en effet les oeuvres pouvant clamer une telle propriété d’oppression, lors de la lecture, d’horreur fascinée. Ne serait-ce que pour ça, ça mérite d’être retenu. Mais pas seulement. Car si le livre est si malsain, c’est parce que l’auteur a très bien choisi sa technique et ses mécanismes, derrière. La méthode du récit enchâssé, mais pas seulement. Comme les Navidson filment leur nouvelle vie, l’histoire présente en fait la retranscription de ces films. Mais pas seulement : plusieurs films en ont été faits, avec de véritables titres, qu’on trouve en bibliographie. Bibliographie qui en fait se promène tout le long du livre. En faisant comme si cette histoire avait vraiment existé, l’auteur a inventé des centaines de noms, de références bibliographiques, d’analyses, de colloques, d’entretiens, avec tous les gens ayant fréquenté cette maison. Des tas de notes de bas de pages, des faux documents en annexe. Tout est faux mais c’est tellement bien fait, surtout qu’on croise des vrais noms par moments (Stephen King, Stanley Kubrick, par exemple). Et des typographies particulières. Le terme maison est toujours écrit en bleu. Et plus les personnages s’y enfoncent pour l’explorer, au travers de ses dédales et couleurs, le texte est mis en page afin de refléter ces atmosphères, ces murs, ces surcharges, ces vides. En somme, c’est un ovni de par son histoire, proprement glaçante (et jamais élucidée même si l’auteur a créé des tas de fausses théories qu’on découvre dans le livre), par sa manière d’écrire, sa manière de jouer avec le lecteur, aussi. Et c’est sans doute ça qui permet au livre d’avoir un tel effet, lors de la lecture. Il s’agit donc là d’une curiosité assez intéressante (une fois qu’on redevient rationnel, bien sûr ^^’).
Je crois que je n’irais jamais conseiller ce livre à quelqu’un, en parler à la rigueur, mais pas le conseiller, malgré l’intérêt de sa construction et du récit en lui-même. Mais au cas où cela vous tente…ne lisez jamais ce livre le soir, ou vous allez le regretter amèrement. =P