Ah, Tosca….sans nul doute mon opéra préféré avec Carmen. La séance live du MET sur les écrans du cinéma mérite bien quelques mots.
Il faut bien avouer que parce que c’est un de mes opéras favoris, il m’arrive d’être exigeante quant à sa qualité. J’ai vu et revu certaines versions, sans compter les extraits Youtube.
Synopsis : En plein travail dans l’Eglise Sant’Andrea della Valle, le peintre Mario Cavaradossi, amant de la (jalouse) Tosca, accepte d’aider le prisonnier politique Angelotti dans son évasion. Le chef de la police Scarpia, dont les visées politiques cachent un rare sadisme, est lancé à sa poursuite et découvre très vite l’implication de Cavaradossi. Seul moyen de parvenir à ses fins : utiliser la belle Tosca, cause de tous ses fantasmes. Cavaradossi arrêté, Scarpia croira un instant posséder la belle, avant qu’elle ne le poignarde. Les sombres calculs de Scarpia lui survivront : passé un bref espoir, Mario mourra finalement exécuté, tandis que Tosca, rattrapée par son crime, se jettera du haut du Château Saint-Ange.
Chapeau tout d’abord, aux trois chanteurs principaux : Roberto Alagna qui reste très égal à lui-même dans le rôle du romantique et idéaliste Mario, Patricia Racette qui nous présente une Tosca très humaine, et George Gagdnize qui offre une nouvelle version de Scarpia, oscillant entre la bestialité et la sournoiserie.
Je dois admettre que le premier acte m’a laissée quelque peu mitigée, avec un décor en briques, assez sobre (comme le sera quasiment tout le reste d’ailleurs). Aucun problème pour Alagna, qui a suffisament rodé ce rôle pour laisser comprendre qu’il serait très bien. En revanche, Racette paraissait assez pâle et un peu minaudante, légère, ce qui ne laissait guère augurer la suite, quant à Gagnidze, si son entrée est impressionnante, le faire embrasser la statue de la Vierge à la fin faisait un peu too much. ^_^ Notons le petit moment drôle d’Alagna qui se frappe une seconde la tête contre le mur, pour montrer son exaspération face à la jalousie finement jouée de Tosca (on a tous rêvé de faire cela un jour !) et la complicité du duo, qui n’agit pas tellement en jeunes amoureux fous, mais plus comme un couple qui a déjà bien vécu ensemble, et où la folie des débuts laisse place à une attention solide et harmonieuse.
Mais le deuxième acte, comme le troisième, ont balayé toute réticence. Comment résister face à l’intensité de deux des plus poignants et intenses moments d’opéras ? Il en résulte un tel resserrement, une telle tragédie et oppression, qu’on comprend comment la légèrêté du premier acte n’était qu’une bulle d’air, un air frais avant l’accomplissement des noirs desseins de Scarpia. Là où Patricia Racette avait joué une Tosca assez jalouse et sans réel relief, elle devient étrangement plus humaine, déchirée entre la terreur pour son amant et sa torture par Scarpia. Si Patricia Racette n’est pas la meilleure Tosca au niveau vocal, quelle comédienne ! Elle oscille entre le contrôle et la fragilité, la crise de nerfs et le désespoir, la détermination et la colère, tous les états d’âme par lesquels elle doit passer pour finalement arriver à l’assassinat de Scarpia. Meurtre qu’elle exécute avec rage (quatre coups acharnés au lieu d’un), et après lequel elle semble perdre tout contrôle et espoir, offrant un impressionnant jeu lors des dernières minutes restantes : en proie au désespoir, elle craque et paraît sur le point de se suicider. Jamais je n’ai vu une Tosca aussi intensément et humainement bouleversée par son geste, simplement effrayée par elle-même et ses gestes, simplement humaine, mais non pas folle et naîve, mais adulte,, même si un point de non-retour n’est pas loin.
Face à elle, on trouve un Scarpia incarné par un George Gagdnize relativement bestial, mais en tout cas jouant beaucoup sur le côté sournois et luxurieux du personnage. Plus proche de Bryn Terfel que de Ruggero Raimondi, il réussit pourtant à terrifier en tant que Scarpia (il faut dire qu’il a une bonne tête de méchant^^) et à faire ressortir l’impression de manipulation inévitable du personnage. Pour un premier acte qui m’a laissé sceptique, les deux derniers m’ont, je dois dire, simplement scotchée à mon siège. Il est rare de voir quelque chose d’aussi intense et d’alchimie aussi forte entre des protagonistes. L’histoire s’y prête certes…En fait, il y avait on ne savait quoi dans le jeu des personnages qui les rendaient encore plus proches et plus contemporains que d’ordinaire. On oublie quelques moments traditionnels de l’opéra comme le chandelier près du corps de Scarpia, sans trop de regrets, quoiqu’en disent les puristes. Ou comment cet étrange moment où Tosca demande à Mario de se relever après la fausse exécution, où elle se retourne vers le public et semble, avant même de demander, comprendre qu’il est mort.
On peut trouver quelques bémols : la vocalise pas tout à fait parfaite, le décor sobre mais plus moderne, non je n’adhère pas à l’idée que Scarpia paye des prostituées, la chambre de torture avec la porte éclaboussée de sang, c’est un peu trop flagrant, quelques détails dans ce genre. Mais le reste est terriblement prenant et réussi, jusqu’à la dernière seconde, où Tosca se jette du haut d’une tour et où le noir de la scène l’ensevelit. Superbe. Je dois bien admettre que ça fait un moment que je ne suis pas restée un instant silencieuse, le regard simplement émerveillé et sans possibilité de me remettre, de quelque chose d’aussi intense et émotionnel que ceci. Tant pis pour les détracteurs de la mise en scène de Luc Bondy…
Et parce que la scène parle mieux que les mots :
Une réflexion sur “Tosca – MET HD live (9 novembre 2013)”