Dans les séries qui semblent peu faire parler d’elles tout en ayant un public bien présent, voici l’une des dernières pour lesquelles j’ai eu un coup de coeur. Pas totalement immédiat, en fait : il est venu au fur et à mesure des épisodes, et aussi en la revisionnant une deuxième fois. Créée par Bradley Bredeweg et surtout Peter Paige (un des acteurs principaux de Queer As Folk, série parlant du quotidien d’homosexuels trentenaires), je ne m’y suis justement intéressée qu’après avoir lu une longue interview de ce dernier sur l’évolution qu’il avait pu voir des séries LGBT depuis le début de sa carrière, et donc depuis un peu près trente ans. Il parlait, en outre, de sa volonté de créer justement une autre série dérivant de ce sujet, mais qui s’attacherait cette fois à la définition de la famille moderne – l’accroche de The Fosters est « What defines a family ? » Par curiosité, je suis donc allée voir ce que donnait son passage derrière la caméra, même si ce serait une série beaucoup moins crue que Queer as folk, car destinée à la famille.
Respectant désormais la densité des séries des dernières années – non plus des séries linéaires où un épisode égale la fin d’une intrigue – avec plusieurs fils conducteurs parfois compliqués à suivre au début, selon les personnages, on peut sans nul doute dire que le moteur en est cependant le protagoniste « principal » Callie (Maia Mitchell) avec qui on commence le premier épisode. La jeune fille, dont la mère est décédée et le père en prison, après plusieurs passages dans diverses familles d’accueil, est au foyer pénitencier et en sort tout juste, battue par plusieurs autres délinquants jaloux de la voir sortir. Elle est finalement récupérée par Lena, une mère de famille, vice-présidente d’un collège au bord de la plage, de manière temporaire. Tout l’équilibre de sa famille se retrouve alors perturbée par l’arrivée de cette petite délinquante : Lena est en couple avec une autre femme, Stefanie, flic et qui ne voit pas forcément Callie d’un bon oeil. (Pour référence, Stef est jouée par Teri Polo, alias la Christine du Phantom de 1990 avec Charles Dance.) Quant à leurs autres enfants, eux-mêmes ont chacun une histoire particulière : Brandon, l’aîné, est le fils biologique que Stefanie a eu lors d’un précédent mariage, avant d’être avec Lena ; suivent ensuite deux jumeaux d’origine mexicaine, Jesus et Mariana, adoptés suite à l’abandon de leur mère. Callie, déjà endurante de plusieurs foyers, n’entend cependant guère rester longtemps, et son premier acte est d’aller rechercher son petit frère Jude, resté dans sa précédente famille d’accueil, à ses risques et périls. Parallèlement, d’autres intrigues se mettent peu à peu en place : Mariana rencontre en secret sa mère biologique, Brandon est attiré par Callie, Jesus tâche de lutter contre son hyperactivité…
The Fosters est avant tout une série familiale et se concentre donc là-dessus. Les enfants ont entre douze et seize ans, environ, ce qui n’empêche pas, avec la présence de leurs mères et du père de Brandon, d’aborder de nombreux sujets, communs aux séries de ce style, et en même des thèmes différents. Le générique parle de lui-même « It’s not where you come from, it’s where you belong ». (Ce n’est pas d’où l’on vient, mais où on appartient, qui importe) Si on évoque les amitiés adolescentes et amoureuses, la scolarité, les thématiques homosexuelles avec le couple lesbien, vient avant tout le sujet de la famille d’accueil, porté par Callie et Jude. Ceux-ci, trimbalés d’endroit en endroit pendant des années, n’ont jamais eu de maison, ni de famille à eux depuis des années, et la série repose en grande part sur leur adaptation et l’acception qu’ils ont peu à peu d’entrer dans la famille des Fosters. Et si on apprécie toute la famille, c’est notamment par eux deux, qu’on accroche le plus, à ce frère et cette soeur qui n’ont jamais eu que l’un sur l’autre sur qui compter, pour affronter le monde, le système injuste des familles d’accueil, l’ouverture aux autres, l’obstination à rester cloîtré sur soi et à ne pas faire confiance par crainte d’un nouvel abandon. De plus, les deux personnages sont probablement les plus attachants, Jude par sa discrétion, sa morale honnête et juste, Callie, par son caractère de tête brûlée, de mur de glace, qui pourtant renferme un coeur d’or et beaucoup de courage.
Les autres personnages ne sont cependant pas en reste : Stef et Lena, en tant que couple, malgré des caractères et des métiers bien différents, parviennent à s’accorder pour faire fonctionner leur famille et résoudre les différents problèmes qui s’offrent à elles, qu’ils concernent leurs jobs, leurs enfants, l’adoption… Beaucoup de thématiques se passent par les divers personnages : la musique et l’art par Brandon, l’apparente superficialité et côté peste de Mariana, le calme et l’humour de Jesus (la relation entre les deux jumeaux, leur protection l’un envers l’autre, étant adorable), l’alcoolisme par le père de Brandon, le côté hippie et vivre au jour le jour de façon marginale par Wyatt (un camarade d’école de Callie.)
Bien sûr, des problématiques plus difficiles se développent au fur et à mesure des deux saisons. Le système pénitencier, les faiblesses des règles des familles d’accueil en Amérique, l’homophobie, la marginalité, les gangs, la difficulté de trouver un équilibre entre famille biologique et famille d’adoption, la peur et le désir d’abandon, les traumatismes ou problèmes que porte chaque personne en soi, la recherche d’identité et d’équilibre… tout cela forme une diversité et une abondance de thèmes, d’intrigues, qui peuvent paraître au début artificielles (les familles comme cela existent-elles vraiment ? d’après Peter Paige, des témoignages diraient que oui, en Amérique en tout cas).
Difficile de résumer la diversité d’une telle série, et l’attachement aux personnages, en un article. Et pourtant, il n’y a pas à dire, le miracle a été fait deux fois, à certes une plus petite échelle que Queer as folk : ce qui ressort de The Fosters, c’est également cette véritable impression de famille, d’équilibre, de quotidien comme on pourrait en connaître, contenant autant de dramatique que d’humour, même si on n’y retrouve pas le même côté déluré que Queer as folk, mais je dirais que les émotions y passent tout aussi bien. C’est aussi en cela que la série parvient à toucher et qu’on finit par faire défiler les épisodes sans les voir passer. Elle possède un énorme potentiel et beaucoup de directions où aller : on ne peut que souhaiter qu’une troisième saison soit annoncée. Et le second visionnage n’a fait que mieux comprendre les personnages et les enjeux propres à leur personnalité. La série n’est certes pas aussi grave que pourrait l’être un Hannibal ou un Sherlock, mais fait du bien là où elle passe. Et les dialogues et situations font particulièrement mouche et sont parfaitement brillants pour traduire des réalités du quotidien, bien plus divers et ouvert qu’il n’y paraît.