Jessica Jones est l’une des séries produites par Netflix, et certainement pas la dernière. Si Sense8 me reste encore à voir, Daredevil était, à sa manière, une excellente série, réaliste et sombre, mature et intelligente. Malgré des matraquages de pubs intempestifs sur Youtube qui ne donnaient pas envie de voir la série, j’ai fini par jeter un coup d’oeil à Jessica Jones, pour découvrir, et au vu des critiques presses relativement enthousiastes sur la série. Relativement parce qu’on reconnaissait d’un côté la noirceur et la psychologie de la série, mais aussi parce qu’elle était déjà moins aimée que Daredevil. Peut-être aussi car au-delà de son aspect fantastique, elle semble traiter en sous-texte d’un sujet plus ordinaire, la violence psychologique faite aux femmes (et aux hommes), ce qui n’est pas forcément du goût de tout le monde, surtout avec un casting majoritairement féminin.
Jessica Jones se différencie de Daredevil par une volonté plus flagrante d’aller dans le fantastique, tout en gardant finalement un côté extrêmement réaliste. Les super-héros semblent mesure plus commune ici, et pourtant ce sont surtout leurs chemins psychologiques et humains qui sont mis en avant. On garde quelques traces des événements se passant dans Daredevil, que ce soit par le relais de rumeurs ou de personnages traversant les deux séries (on retrouve Claire Temple au dernier épisode, et il est prévu qu’elle sera également dans la série consacrée à Luke Cage) tout en sombrant dans un quotidien angoissant et sombre. Jessica Jones est une détective privée douée de pouvoirs, d’une super-force ; sauf que son passé de super-héroîne semble déjà à la retraite, qu’elle est solitaire, amère et se plaît à déverser son inexistence dans l’alcool. Au-delà de ses enquêtes tournent d’autres personnages, comme sa meilleure amie Patsy, chroniqueuse radio, une avocate lesbienne impitoyable qui cherche à divorcer pour épouser sa secrétaire, Luke Cage, un homme se révélant invincible. Ce petit univers pourrait tourner de façon tranquille et sombre si l’un des ennemis déclaré mort de Jessica ne refaisait pas surface : Kilgrave. Un homme dont on ne voit que l’ombre et la voix au début, dans des hallucinations, et dont on comprend vite pourquoi il semble avoir tellement traumatisé Jessica : il possède la capacité de soumettre n’importe qui à sa volonté, que ce soit pour dire d’aller ouvrir une porte, ou de se tuer, sans jamais pouvoir y opposer de résistance.
La série se démarque tout d’abord par son anti-héroïne. Jessica Jones n’est pas quelqu’un d’appréciable et si elle possède une certaine éthique, son sens moral est trouble, son caractère peu sympathique, ses manières de faire extrêmes, et elle a un sarcasme cynique doublé d’un tempérament dépressif-agressif et vulgaire. L’alcoolisme dans lequel elle sombre tout du long de la série n’est qu’un effet destructeur de ses rencontres avec Kilgrave. Un homme qui a su suffisamment la détruire en la manipulant, pour qu’elle perde estime d’elle-même, de ses pouvoirs, de sa capacité à changer les choses. Jessica est un personnage qui est hanté par la culpabilité, par la méfiance, par des troubles persistants, des peurs et des hallucinations, par la crainte de blesser encore d’autres personnes, comme elle l’a fait sous la coupe de Kilgrave. Repliée sur elle-même, le teint pâle, usée, c’est une héroïne qui ne veut plus l’être, et une double anti-héros, à ce stade. Toute la série est parsemée de ces personnages brisés par les pouvoirs de Kilgrave ou par les hommes en général, que ce soit sa dernière victime Hope, Patsy, l’amie de Jessica qui vit dans un appartement blindé, ou encore tous ceux qui subiront les pouvoirs de cet antagoniste.
Antagoniste qui vaut également le coup, pour voir la série. Cela faisait très longtemps que je n’avais pas vu un « méchant » peut-être aussi terrifiant et glaçant. Là où Krysten Ritter joue à merveille l’amer et la souffrance, l’ironie, on trouve un jeu presque dépouillé, banal (dans le sens où il n’y a pas de surjeu) de la part de David Tennant pour Kilgrave. Loin de n’être qu’un sociopathe, l’homme se révèle terrifiant quand on comprend qu’il reste toujours gravé dans la tête de ses victimes comme une voix insistante et parfois polie. Toujours vêtu élégamment, il appartient à cette catégorie de méchants brillants en apparence, et terrifiants intérieurement. Kilgrave ne cherche pas à dominer le monde ou à renverser la société : seul son confort immédiat et ses désirs personnels le guident, avec aucune limite du bien comme du mal. L’homme ne les connaît simplement pas. Il est alors d’autant plus effrayant de le voir user de son pouvoir comme s’il respirait, d’un air tranquille et banal, que ce soit pour dire d’aller se cacher dans un placard, de se tuer sur place ou de se taire. Aucune résistance n’est possible bien que l’esprit de la victime soit conscient de l’ordre imposé. Le personnage n’est pas sans avoir non plus un côté frollien. Il glace le spectateur de manière terrible, car il pourrait être un homme irréprochable et parfait, si toutefois il ne représentait pas le summum du contrôle absolu sur les autres, faisant des gens autour de lui des marionnettes manipulables à sa guise, pour faire la cuisine, des expériences, tuer d’autres gens, les violer, etc. Bref, le personnage se révèle extrêmement oppressant et met indéniablement mal à l’aise, en même temps qu’il parvient à choquer lors de certains passages.
Certains personnages secondaires exaspèrent ou sont inintéressants (desolée Luke Cage), parfois l’intrigue se ralentit. Elle est volontairement plus lente que dans Daredevil, sans que cela empêche, à mon sens, d’avoir de l’intérêt. Tout au plus peut-on patienter un peu, le temps que l’intrigue se mette doucement en place. Que les choses passées et les personnages ne soient révélées que lentement, pièce par pièce, renforce aussi l’intérêt de la série. Ce n’est qu’ainsi qu’on peut apprécier l’héroïne, ou se mettre à détester certains protagonistes qui auraient pu avoir notre sympathie. De même, cela permet une progressive évolution de certains caractères, de les voir sortir peu à peu de la solitude ou de la peur dans lesquelles ils sont enfermés. Jessica Jones est peut-être moins équilibré, moins beau graphiquement, que Daredevil, mais j’ai l’impression qu’elle marque plus que l’autre série, même si elles donnent toutes deux envie de savoir la suite. Le côté oppressant et malsain qu’elle instaure en est peut-être à l’origine, qu’on préfère un Daredevil héroïque mais empli de doutes, ou une Jessica Jones sombre et anti-héros au possible. Les deux sont humains ; la seconde parle peut-être simplement davantage aux femmes, ce qui est rare dans l’univers des comics et super-héros.
Moi qui hésitais encore, me voilà irrémédiablement convaincue !!! Maintenant, il faut que je trouve le temps de m’y atteler… J’avais lu et entendu dire beaucoup de bien de cette série, tout en sachant qu’elle était extrêmement noire, j’avais très envie de m’y intéresser, ne fut-ce qu’au vu de ce que tu dis au sujet de Kilgrave, qui à la description, me paraît affreusement jubilatoire…
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Je te la conseille, bien entendu. Elle est vraiment intéressante à voir et je suis sûre que le jeu de David Tennant te plaira !!
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Ca y est ! J’ai enfin visionné l’entièreté de cette saison 1 de Jessica Jones ! Résultat : je suis complètement addict… J’ai relu ton article avec plaisir, qui m’avait vraiment mis l’eau à la bouche, et dans lequel tu as su retranscrire parfaitement le contexte et l’ambiance de la série. J’ai absolument tout aimé, mais s’il y a, c’est vrai, quelques longueurs, comme tu le mentionnes. L’héroïne (ou anti-héroïne) est très bien brossée, et malgré tous ses défauts, je l’ai absolument adorée. Une héroïne qui en a bavé, cynique et brutale, voilà qui a de quoi révolutionner les codes des histoires de super-héros ! Quant à Kilgrave, campé par David Tennant, ma foi, c’est l’un des méchants les plus glaçants que j’ai pu voir dans ce registre… Complètement frappé, l’esprit tout à fait déréglé par le pouvoir d’emprise qu’il a sur les autres, ce Kilgrave a du frollien en lui, c’est certain… Un méchant avec beaucoup de classe de surcroît, et qui cache délicieusement bien un esprit parfaitement tordu… Alors certes, c’est un peu gore parfois, indéniablement sombre, mais je me suis régalée, notamment dans les épisodes où Jessica va vivre quelques jours avec Kilgrave… Sur le fond, ce personne est affreux, mais leurs dialogues sont tellement jubilatoires… Encore merci pour ce conseil de visionnage, sans toi, je serais passée à côté 😉
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Bonjour Clelie,
Je suis ravie de voir que la série t’a autant plu ! Il est vrai que la série possède une tonalité bien particulière, qu’on aime ou qu’on aime pas ! Comme l’héroïne d’ailleurs, qui semble bien diviser, tout le monde ne l’aimant pas (c’est vrai qu’elle a parfois une tête à claques) mais elle change indéniablement des autres anti-héros qu’on peut voir dans les univers de comics, en tout cas. Et Kilgrave est juste en effet magnifique, l’interprétation de Tennant étant géniale. Il a de quoi faire froid dans le dos, entre ses fausses apparences, son pouvoir et ses sautes d’humeur terribles. Je vois que toi aussi les épisodes où il vit avec Jessica, t’ont vraiment marquée. C’était assez tendu et intense, il faut dire ! Pas de doute, ça fait partie des méchants terrifiants, certes, mais qu’on adore détester. Et on n’en trouve plus si souvent mine de rien…Kilgrave est une vraie réussite en tout cas. Et le duo fait avec Jessica vaut le coup d’oeil !
De rein pour le conseil, j’étais sûre que ça te plairait au moins pour Kilgrave ! l’essentiel est que tu aies passé de bonnes heures de visionnage ! ^^
A bientôt !
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