Sorti sur PC en 2014 et porté sur PS4 en 2015, The Vanishing of Ethan Carter (La disparition d’Ethan Carter) est un jeu vidéo d’aventure indépendant à la première personne. Du moins, on dira d’aventure, car ce petit jeu mystérieux appartient plutôt aux expériences narratives telles que Firewatch ou Gone Home, que les studios indépendants ont pris en affection. On y incarne Paul Prospero, un détective du paranormal, appelé à l’aide par un jeune garçon, Ethan Carter. En se rendant dans la Red Creek Valley, le détective est confronté aux énigmes de plusieurs meurtres et surtout à la disparition de l’enfant.
« No trains had been through here for a long time. That was part of a pattern. Large pieces of this country were thrown away, doomed to become, and then remain, the worst versions of themselves. Beneath all that rot, dark things grow. »
The Vanishing of Ethan Carter est un étrange jeu, basé davantage sur l’exploration et la découverte, qu’un gameplay en lui-même. A ce titre, il ne faut donc pas attendre beaucoup de challenge propre aux jeux vidéos, ni se montrer impatient. Pendant les quatre heures qui suffisent à le faire, il n’est demandé que de marcher, de contempler les alentours, de rechercher des objets permettant de reconstituer des scènes de crimes, et d’écouter la voix profonde du narrateur Paul Prospero, quand il prend de temps à autre la parole, souvent pour des tirades sombres et un peu métaphoriques. Que peut-on attendre d’autre d’un détective du paranormal, après tout ? Certes, l’absence d’action peut irriter. Mais il faut se faire à l’idée qu’il s’agit d’une expérience narrative avant tout, la vision d’une histoire, où l’on est laissé à soi-même pour découvrir ce qui s’est passé. D’ailleurs, aucune indication n’est donnée sur comment agir au cours du jeu, et on pourrait très bien arriver à la fin de l’histoire sans avoir résolu toutes les énigmes…et en manquant donc l’intérêt de cette expérience.
La première chose qui frappe, pour un jeu sorti en 2014/2015, c’est sa beauté. Le studio The Astronauts a créé le jeu en se servant de photogrammétrie, autrement dit en photographiant la réalité sous plusieurs angles pour ensuite recréer le décor en 3D. En ressort une impression de réalisme surprenante, très poétique et sauvage, le jeu se déroulant dans une vallée quasiment déserte. On a l’impression d’errer dans un rêve aux détails saisissants, car les brins d’herbe sont tous différents, le rendu de l’eau est remarquable, on compte les morceaux d’écorce sur les troncs d’arbres, et la lumière est simplement magnifique. Le jeu se révèle extrêmement dépaysant de ce point de vue, bien qu’il ne soit pas aussi immense qu’il le laisse penser à première vue. Ce degré de réalisme m’a d’ailleurs fait penser à celui de Resident Evil 7, mais ici, l’atmosphère est éthérée, rêveuse. Tout le jeu repose sur cette ambiance immersive et réaliste, les bruitages faisant parfois monter la tension, et la musique devenant presque la musique de fond de la vallée rouge. C’est simplement beau. On s’arrête pour profiter du paysage, pour observer un détail du décor. Le jeu doit être fabuleux à expérimenter en VR.
Parfois, le jeu se fait bien plus onirique et fantastique (mais toujours poétique) quand Prospero résout des énigmes ou des scènes de meurtres. Pour ces derniers, on assiste en effet à une reconstitution mentale des meurtres, faisant appel aux derniers souvenirs de l’âme de la victime, dans un univers alors bleuté. Certaines énigmes, permettant d’accéder à des écrits éclaircissant l’histoire, sont parfois simplement irréalistes : on poursuit un astronaute qui nous emmène dans l’espace, on entend la liste de questions cruelles d’une sorcière dans la forêt, ou encore on croise un monstre sous-marin très lovecraftien. Tout cela, bien entendu, pour comprendre la disparition d’Ethan Carter, dont la famille paraît être possédée par une entité dévoreuse d’âmes, le Dormeur, qui n’aurait pas dû être réveillé.
On peut regretter le manque de challenge et la très courte durée de vie du jeu. Pour ma part, je l’ai bien apprécié, même si le manque de gameplay, le fait de devoir chercher des objets un peu partout au hasard en se demandant quoi faire, m’a empêché d’y accrocher pleinement. Je ne pense pas que le jeu me restera longtemps en mémoire même s’il a fait son petit effet, et qu’il vaut mieux attendre les soldes PS4 pour l’acheter. Mais, sans spoiler (ce sera pour les paragraphes suivants), The Vanishing of Ethan Carter est un peu un OVNI, une expérience à vivre plutôt qu’à jouer. Une expérience superbe par ses décors sauvages et immersifs, par sa musique étrange et parfois inquiétante (composée par Mikolai Stroinski, artiste derrière l’OST de The Witcher 3), par son histoire à reconstituer, qui mêle étrangeté et résonances Lovecraftiennes. Ce n’est pas un jeu d’horreur (il n’y a qu’un seul élément un peu crispant dans tout le jeu) en dépit de son atmosphère mystérieuse, mais une histoire qui mêle l’ambigu et l’introspection. Où, comme le dit Prospero, l’aspect de la tranquillité cache de noirs secrets, des secrets qui ne veulent pas de lui ici. Et c’est aussi une expérience, pour sa fin qui arrive un peu comme une gifle, sans que je m’y sois attendue.
The Vanishing of Ethan Carter est peut-être trop court pour qu’on s’attache vraiment à Prospero ou à ce jeune garçon qu’on recherche. Pendant les quatre heures de jeu, on ne sait pas trop ce qui se passe, on suppose que la famille du jeune garçon, créatif et écrivain en herbe, est possédée par une entité qui pousse les différents membres à se tuer, à sacrifier Ethan. La réalité est en fait toute autre. Quand arrive la résolution de la dernière énigme, on voit un flash-back, dans une maison près du lac, où Ethan se fait disputer par sa famille (fort peu sympathique au passage) d’être perdu dans ses rêves et ses histoires, au point d’avoir oublié le dîner. La mère, dans sa colère, renverse une lampe à pétrole et met le feu à la maison. Ethan s’enferme dans la cave où il écrit, par peur, mais finit par mourir asphyxié par les flammes…Tout cela entre 7h et 7h04, les seules heures que l’on voit sur les horloges tout au long du jeu. Sa famille tente de le sauver, mais trop tard.
On suppose alors que toutes les énigmes résolues sont des fictions qu’il a écrites en se basant sur les membres de sa famille et notamment sur le mépris qu’il leur inspirait. La sorcière, notamment, avait une histoire où une mère demandait si elle était enceinte ; la sorcière lui répondant oui, la mère vieillissait d’inquiétude, et plus tard, redemandait à être belle : la sorcière faisait alors disparaître l’enfant, ramenant la jeunesse à la mère. Toutes les énigmes sont donc des métaphores autour des membres de la famille Carter, qui méprisent Ethan et son côté rêveur, le traitant de pédale ou de bon à rien. Et lorsque Prospero retrouve enfin Ethan dans cette fameuse cave, on comprend alors qu’il est non seulement la dernière création fictive d’Ethan, un héros venu le sauver, un personnage créé durant ces quatre minutes d’asphyxie pour rendre la mort plus douce, mais peut-être aussi un ange venu pour l’emmener ailleurs. « What happens next ? Another story, kid, that’s all. » On repense alors à cet étrange tunnel au tout début du jeu, long tunnel sombre avec une lumière au bout, qu’on peut traverser mais qui nous fait revenir sur nos pas – métaphore de la mort. La Red Creek Valley, si paisible et éthérée, est en vérité le lieu d’une tragédie familiale.
La fin de The Vanishing of Ethan Carter oblige à repenser le jeu d’une manière très différente. D’ailleurs, selon les créateurs, la fin est expressément ouverte et sujette à interprétations, et toutes celles circulant sur Internet ne sont pas encore leur interprétation à eux, en tant que créateurs du jeu. Peut-être que l’histoire aurait pu aller encore plus loin et avait encore plus de potentiel. Peut-être que sous ce format de mystère et d’ambiguïté, le jeu n’aurait pu en fait être mieux. Demeure une impression de frustration, mais pour ma part, avec tant d’éléments surnaturels présents, je n’aurais pas imaginé une telle fin, triste et amère, et c’est pourquoi elle a été aussi forte et déprimante sur le coup.
Waouh merci pour cette découverte je ne connaissais pas du tout ce jeu il est magnifique. Je viens de regarder la BA et c’est envoûtant! Bon du coup je n’ai pas lu le passage « spoiler » de ton article mais je crois que je vais le commander, il est sur steam?
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C’est vraiment un très très beau jeu niveau visuel ! Et avec une atmosphère très rêveuse qui change pas mal. Tu as bien fait de ne surtout pas lire le passage spoilers, ça gâcherait toute l’expérience. Il est effectivement sur Steam. Je te conseillerai peut-être d’attendre les soldes si tu le peux (4h de jeu pour presque 20 euros, ça pique un peu). Si tu le fais, n’hésite pas à me dire ce que tu en penses !
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OK je vais faire ça merci 😉
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