Pierre Lapointe à la Cigale | La science du cœur, 14/02/2018

Cela fait déjà un bon moment que je connais les chansons de Pierre Lapointe, après l’avoir découvert avec Nos joies répétitives. J’ai écouté ses albums avec attention et plaisir, en dépit de ses musiques souvent mélancoliques et cyniques, car il s’agit d’un chanteur qui sait allier les textes très bien écrits, aux sentiments vrais et sincères, à des mélodies parfois entraînantes, et souvent tristes. Et il fait partie de ces artistes que j’apprécie suffisamment pour envisager d’aller le voir en concert.

La science du cœur s’est donc déroulé à la Cigale, et Pierre Lapointe y a interprété la totalité des chansons de son dernier album, mais aussi d’autres, plus anciennes, de son répertoire, ayant donné libre choix à un collaborateur de choisir celles qui figureraient dans son show. La science du cœur porte bien son nom, puisque pendant plus d’une heure et demie, Lapointe enchaîne chansons désillusionnées sur l’amour, les sentiments humains, les ruptures, bref, « tous ces sentiments où l’être humain est au plus bas et où il n’est beau que dans l’effort de remonter », comme il l’explique. Avec lui, on a une vision plutôt cynique et ironique sur l’existence, entrecoupée d’anecdotes où il partage les origines de certaines chansons. Même si ses chansons sont trop sincères et poignantes, pour certaines, pour douter du regard acéré et lucide qu’il a sur le monde, il ne faut pas douter que cette ironie fait aussi partie de son personnage sur scène. Cela fut d’autant plus ressenti qu’il n’hésita pas à glisser quelques commentaires sur le fait que le concert avait lieu le jour de la Saint-Valentin, avec un public composé autant de couples que de célibataires, dont il se moquait avec une gentillesse toute ironique.

La franchise dont fait preuve l’artiste change aussi agréablement, puisqu’il n’a pas hésité à demander de cesser les photos et vidéos de la part des spectateurs, dès le début du spectacle. Et ce pour mieux vivre un spectacle qui en valait la peine et qui avait beaucoup plus de préciosité dans le côté un peu intime de la salle de la Cigale. Pierre Lapointe chante parfois seul au piano (notamment pour Nos joies répétitives), mais surtout avec les deux musiciens qui l’accompagnent. Ceux-ci ont fait un travail d’ailleurs remarquable et étonnant. Avec ces nouveaux arrangements musicaux, ils ont réussi à transformer énormément des mélodies que je connaissais par cœur à force d’avoir écouté les CDs, que ce soit des morceaux normalement plus électrisants et violents comme Les sentiments humains ; plus « punkt » pour reprendre le titre de l’album de cette époque de Lapointe, comme L’étrange route des amoureux ; ou encore Je déteste ma vie, d’habitude joué au piano.

Cela était d’autant plus plaisant que ces arrangements permettent de redécouvrir de nombreuses chansons, les faire ressentir différemment, surtout quand on en a l’origine expliquée par Lapointe juste avant. C’est d’ailleurs là qu’on se rend compte d’à quel point une même chanson peut avoir une pluralité de sens et d’interprétations. Il y avait même deux ou trois mélodies que je ne connaissais pas et que j’ai totalement découvertes. Mais pour la plupart, il s’agit donc d’une totale redécouverte avec ces nouveaux arrangements, et le plaisir de les entendre en live, avec une puissance et une émotion dans la voix, palpables.

La scénographie, elle, était très simple mais plutôt bien utilisée, avec des piliers lumineux et fins entourant les trois artistes, devenant de plus en plus petits en allant vers la scène. Si au début, les lumières en étaient un peu violentes, elles s’adoucissent ou s’illuminent ensuite, afin de mieux suivre l’atmosphère de la chanson en cours et les émotions qui en s’en émanent. Le moins qu’on puisse dire, est que Lapointe n’est d’ailleurs pas avare en chansons, et qu’il a démontré qu’il avait une voix claire, puissante ou douce selon la nécessité, servant au mieux les textes fins qu’il a écrits. Le côté cynique qu’il possède est atténué, ou augmenté (c’est selon) au gré des anecdotes et des plaisanteries qu’il partage avec le public, et non sans rire de lui-même. Comme lorsqu’il précise que sa dernière chanson de rappel, Deux par deux rassemblés, est celle qui passe le plus à la radio, et qu’elle sera par conséquent la plus diffusée à sa mort.

Il est évident que les chansons et l’humour de Pierre Lapointe ne sont pas au goût de tout le monde, avec leur côté désillusionné et grinçant (ce n’est pas sans rappeler Starmania ou Daniel Lavoie, par exemple, et ce n’est pas un hasard si ces artistes ou cette création viennent du même pays) ou leurs thématiques noires. Et pourtant, ces chansons sont à la fois belles et emplies de moments très humains, d’émotions prises sur le vif et merveilleusement bien exprimées, peut-être encore mieux que lorsqu’on l’exprime en soi-même. Il serait donc dommage de passer à côté, ne serait-ce que pour découvrir la patte originale de ce chanteur, quand on a parfois la nécessité d’écouter certaines chansons mélancoliques qui font pourtant du bien sur le moment. Ou encore pour le plaisir de retrouver des musiques et des textes d’une grande qualité, parfois bizarroïdes et mystérieux (Alphabet), et avec une émotion qui nous renvoie à nous-mêmes.


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