Coeur de bois, Henri Meunier & Régis Lejonc – 2017
Le topo : Coeur de bois revisite l’histoire du Petit Chaperon Rouge et du loup : des années après le conte, la jeune femme revient prendre soin de son ennemi vieillissant…
Le résultat : Coeur de bois n’est pas un roman, mais un album-conte, destiné toutefois aux ados, en raison de la noirceur de ses illustrations et de son thème, le pardon. Malgré sa brièveté, il m’a assez marquée pour mériter de se retrouver dans mes lectures mensuelles. D’abord par la beauté de ses dessins, certes sombres et à la limite de l’effrayant pour des jeunes lecteurs, puis pour ses textes et ses thèmes. Il ne suffit que de quelques pages, quelques mots, pour comprendre que le loup a vécu et fini seul, rejeté de tous ; que le Petit Chaperon Rouge est devenu une belle femme blonde qui, loin de le mépriser, revient le voir régulièrement. « Je vous rends visite parce que je suis là. Debout. Malgré vous. Je veux croire qu’il est possible de devenir grand sans devenir méchant. Et je prends soin de vous pour le croire toujours. Je veux être assez forte pour pouvoir aimer. Même vous. » Alors, oui, en quelques mots, en laissant le lecteur choisir, à travers les mots, ce que le loup a infligé à la jeune femme (la version du conte ou autre chose de plus réaliste), on parvient à une histoire qui parle de résilience, de pardon, d’espoir aussi. Car la jeune femme n’a pas pardonné le loup, mais pour autant, a réussi à vivre et grandir suffisamment pour ne pas répéter ses erreurs, et en permettant une sorte de rédemption.
Si un inconnu vous aborde (If a stranger approaches you), Laura Kasischke – VO 2013, VF 2017
Le topo : Un recueil de nouvelles abordant le quotidien et le côté absurde et inquiétant qu’il peut dégager…
Le résultat : Peut-être devrais-je davantage chroniquer chaque livre dès que je le finis pour en dire le ressenti immédiat, peut-être qu’il y a des livres avec lesquels je n’accroche pas. Mais j’ai la désagréable sensation grandissante de me retrouver face à des livres que je prends plaisir à lire sur l’instant (ou pas) et que j’oublie aussitôt après. C’est le cas pour ce recueil. Les autres livres que j’ai pu lire de l’auteur m’ont pourtant plu, tous témoignant d’un quotidien ordinaire, dont les apparences révèlent souvent une ombre de fantastique et une critique des relations familiales, de la société, et même des situations parfois à la limite du malsain. Et je dois dire que je n’ai retenu que deux nouvelles de ce recueil : celle où une mère fouille la chambre de sa fille modèle et découvre quelque chose de caché (quoi, on l’ignore, mais je suppose qu’il s’agissait d’une trace d’un avortement caché) ; et celle où un père récemment divorcé se retrouve comme un étranger dans sa propre maison, à l’anniversaire de sa fille. Alors, le style grinçant, poétique et ironique de Laura Kasischke est toujours là, mais il m’a beaucoup moins convaincu ici que dans ses romans.
Il est toujours minuit quelque part, Cedric Lalaury – 2018
Le topo : Un homme reçoit un livre d’un jeune auteur. L’histoire ressemble étrangement au drame auquel il a été mêlé lors de sa jeunesse, et son entourage reçoit lui-même des exemplaires de ce livre et le soupçonnent…
Le résultat : L’intrigue de Il est toujours minuit quelque part avait de quoi promettre un beau thriller. Le retour d’un homme sur un passé qui le hante, le cheminement de la culpabilité, la découverte de ce jeune auteur qui est un double d’un de ses anciens amis, l’enquête policière en elle-même… Il est toujours minuit quelque part est agréable et prenant à lire, on a envie d’en arriver à la conclusion, pour une fois non édulcorée à raison. Certains personnages, comme le narrateur ou le jeune auteur mystérieux, se retrouvent plutôt intéressants, même s’ils auraient mérité davantage d’appesantissement sur leur développement au cours de l’histoire et sur leurs sentiments. L’histoire en elle-même est bien ficelée. Et… je suis quand même restée sur ma faim, parce qu’il manquait considérablement quelque chose à ce thriller pour en faire quelque chose de vraiment prenant et qui remue le lecteur. Est-ce trop cinématographique dans la manière d’écrire ? Est-ce le côté psychologique qui me manque ? La lecture est plaisante dans son ensemble, et c’est un bon thriller pas trop noir, mais cela s’arrête là.
Catwoman, tome 1 : D’entre les ombres, Ed Brubaker – VF 2012
Le topo : Les nouvelles aventures de Catwoman dans Gotham, après une disparition de plusieurs semaines. Mais l’apparition d’un tueur de prostituées dans Gotham la fait remettre son costume de chat, et croiser de nouveau Batman.
Le résultat : J’ignore où se situent chronologiquement ces aventures de Selina Kyle, dans les comics américains ; toujours est-il qu’on la croit mort et qu’elle réapparaît, fatiguée de sa vie d’entre les ombres et à la lisière de la loi. Et pour moi qui n’ai principalement de Catwoman que l’image des films de Burton et de la série de Gotham, c’est avec plaisir que je découvre les aventures papier du personnage. Ici, Selina a eu une sœur ; ici, elle est lasse de ses anciens méfaits mais éprouve une joie et un sentiment légitime en reprenant du service sous les traits de Catwoman. Et c’est avec plaisir qu’on se laisse embarquer dans ses aventures, à découvrir ses anciennes amitiés, croiser des anciens personnages, ou voir comment sa morale et sa conscience évoluent au fil du temps. Pour redécouvrir le personnage, cette série de comics commence plutôt bien, en se permettant même des clins d’oeil aux diverses représentations plus ou moins absurdes de Catwoman dans d’anciens comics.
Déchirer les ombres, Erik L’Homme – 2018
Le topo : Un ancien vétéran embarque une jeune fille dans un road-trip à moto. Amoureux l’un de l’autre, ils poursuivent une mission inconnue au départ, en dissertant aussi bien sur la philosophie que la vulgarité de la vie.
Le résultat : Erik L’Homme était un de ces auteurs que j’aimais lire, enfant, avec sa trilogie fantastique Le Livre des étoiles. J’ai donc lu son premier roman adulte avec une certaine curiosité. La construction du roman change : elle se compose uniquement de dialogues entre les deux personnages, qui permettent de décrire leurs actions – les choses aussi bien ordinaires que plus exceptionnelles – leurs pensées ou leurs sentiments. Mais cette même structure a peut-être aussi le défaut de ne pas nous laisser nous attacher aux personnages, et à ne pas nous impliquer dans l’action de l’histoire, comme lors d’une lecture active dans tout roman. Du coup, les protagonistes m’étaient bien indifférents, les tirades philosophiques un peu moins, mais mêlées avec de la vulgarité…disons pas gratuite, mais mal amenée. Et si on apprend le passé du vétéran, la jeune fille nous demeure beaucoup moins convaincante dans ses motivations. Alors, même si Déchirer les ombres a le mérite d’être original dans sa forme, le fond ne m’a guère passionnée.
Leonard et Virginia Woolf : Je te dois tout le bonheur de ma vie, Carole d’Yvoire – 2017
Le topo : Carole d’Yvoire nous raconte les débuts du couple de Leonard et Virginia Woolf, à travers des courtes biographies de leur vie, des photos et des extraits de leur correspondance. S’ensuivent deux nouvelles écrites par l’un et l’autre.
Le résultat : Pour terminer ce mois de lectures plutôt maigres, cette « biographie » du couple Woolf m’a davantage plu, me permettant d’en découvrir davantage sur ces deux personnes que je connais au final assez peu, malgré ma lecture de Mrs. Dalloway, et le film The Hours. Cela fut donc intéressant à plus d’un titre de découvrir l’enfance et l’adolescence de Leonard et Virginia Woolf, les raisons de l’état mental de Virginia (de nombreux décès dans sa famille alors qu’elle est très jeune), la vie à l’étranger de Leonard Woolf après une enfance où il a dû travailler bien plus que d’autres en raison de ses origines modestes, leur rencontre par le groupe Bloomsbury, formé par plusieurs intellectuels de l’époque. Mais ce n’est que des années après cette première rencontre, qu’ils s’apprécient, vivant ensuite en colocation et se courtisant. J’ai par-dessus tout aimé leurs lettres, qui témoignent de l’intérêt l’un pour l’autre, de leurs visions de la vie, de la société, ou aussi bien de leur propre personne, de leur conception du mariage. Virginia et Leonard se parlaient d’esprit à esprit, sans censure et sans jamais enjoliver le portrait qu’ils faisaient d’eux ; aussi le mariage est-il décidé en pleine conscience des qualités et défauts de l’autre. Ce mariage est d’ailleurs annoncé par une lettre humoristique à leurs amis, avec seulement écrits les mots « Ah ! Ah ! », comme un rire signé de leurs deux noms. Mais on voit aussi les premiers tourments et épreuves de leur couple, tout en voyant l’amour et la force qu’ils se portent. Il est certes dommage de ne pas tout voir de leur vie, mais l’auteure a choisi de s’arrêter à la période où ils vivent dans une banlieue de Londres, en créant leur maison d’édition. Et de ne pas s’aventurer sur la bisexualité de Virginia, le suicide de celle-ci, ou les années qui doivent davantage les séparer. Il n’empêche que leurs lettres font partie des plus beaux messages d’amour que j’ai pu lire, et qu’il est certain que ces deux-là s’aimaient profondément, même si tout n’était pas conventionnel ou harmonieux. A découvrir, et cela m’a donné vraiment envie de lire une biographie sur Virginia Woolf.
A noter une relecture d’Annihilation (Jeff Vandermeer), où j’ai peut-être davantage apprécié le délire de l’histoire et l’écriture de l’auteur, très intéressante dans la façon de décrire quelque chose d’innommable, et dans la manière de rendre sa narratrice peu fiable. Et puis quelques-uns des albums lus, même si j’en oublie sûrement…
Eh bien, il y a des périodes comme cela où nos lectures ne nous parlent pas trop… Cela arrive d’ailleurs, je trouve, trop souvent. Cela dit, je suis aussi très intéressée par la biographie de Leonard et Virginia Woolf, qui m’a l’air très intéressante ! Ce n’est pas un auteur que j’ai beaucoup lu, j’ai tenté il y a plusieurs années Mrs Dalloway, mais je l’avais abandonné en cours de route. Cette biographie serait l’occasion de connaître cet auteur autrement, et de découvrir sa relation si particulière avec son mari Leonard !
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Je suis tout à fait d’accord…parfois, cela donne l’impression d’avoir épuisé le filon des bons livres avant l’heure, ce qui n’est quand même pas possible. La biographie de Virginia et Leonard Woolf n’est pas assez longue à mon goût, mais c’est une excellente introduction pour les découvrir. Je les trouve vraiment passionnants tous deux. Et puis le livre est un bel objet en lui-même, entre sa couverture, et les reproductions des photos/lettres, etc, des personnes de l’époque.
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