Comment présenter un bouquin sans qu’il passe pour une banale romance ? Sarah, fraîchement divorcée, retourne chez ses parents, le temps de quelques jours. En partant rejoindre un arrêt de bus, elle tombe par hasard sur Eddie. S’ensuit un coup de foudre immédiat, l’un pour l’autre. Les sept jours qu’ils passent ensemble apparaissent comme une évidence, et aussi comme les plus belles journées de leur vie, les plus heureuses. Ils sont ensuite obligés de se séparer, Sarah à cause de son travail, Eddie, pour passer des vacances planifiées avec un ami. Mais une semaine plus tard, Sarah est bien obligée de se rendre à l’évidence : Eddie ne la rappelle pas, pas plus qu’il ne répond à ses messages. Commencent alors les longs jours de cette absence, de ce silence, qui la poussent à envisager tout ce qui a pu éloigner Eddie d’elle….
« Un téléphone qui ne sonne pas, ça réveille les pires démons. Chez tout le monde. »
Dire davantage que ce simple synopsis est gâcher l’expérience de lecture de ce roman. Les jours de ton absence (The man who didn’t call en VO) est une histoire d’amour, certes, mais le livre se révèle bien plus que cela, plus profond, plus délicat surtout. Le silence d’Eddie ramène les tumultes dans la vie de Sarah : non seulement l’inquiétude, la paranoïa, l’obsession démesurée à savoir ce qui est arrivé à Eddie, mais aussi bien des secrets du passé qu’elle espérait mettre derrière elle. Tout cela abordé avec justesse et sensibilité. Et au-delà de ce fil conducteur, on croise bien d’autres personnages, souvent proches de ceux qu’on croise dans notre vie quotidienne, chacun avec leurs qualités, leurs défauts, leurs problèmes et leurs désirs de vie. Si Eddie et Sarah sont très bien écrits et ont une psychologie bien fouillée, les rôles secondaires ne sont pas moins bien décrits.
Les nœuds de l’intrigue sont loin d’apparaître tout de suite, révélés par touches, par les actions présentes, mais aussi par les messages envoyés par Sarah à Eddie, sans jamais de réponse, mais où elle lui raconte son histoire. Les jours de la semaine idyllique du couple sont d’ailleurs présentés par fragments, ce qui nous laisse aussi toute mesure d’enquêter sur un potentiel double-jeu de l’absent. Et si d’autres thèmes sont aussi abordés dans ce roman, je ne peux pas vraiment en dire plus sans dévoiler la suite de l’histoire – mais eux aussi bénéficient de la même délicatesse, de la même grâce de l’auteure. Il y a un équilibre, qui vient du style, de la psychologie des personnages, qui empêche le roman d’être « trop facile » ou trop feel-good pour son propre bien. Les jours de ton absence a en effet aussi des passages assez douloureux, aux émotions exacerbées et trop passionnées, qui correspondent bien aux tourments de l’âme ou à des situations difficiles, familiales, qui peuvent rappeler son propre vécu. C’est peut-être bien la délicatesse qui ressort toute entière du roman : délicatesse des sentiments abordés sans moquerie ; de traiter des sentiments de dépression, d’obsession, d’amour, sans être larmoyant ; de révéler des blessures du passé avec un sentiment authentique et encore poignant ; de se permettre de s’attarder sur les personnages, d’enrichir leur psychologie, sans sacrifier à l’action et au suspense, pour s’attacher à eux.
Pour ma part, même en devinant plus ou moins quelques ressorts de l’histoire, ceux-ci restent convaincants. Les différentes parties du roman réservent aussi quelques surprises de style, ce qui lui offre un côté doublement intéressant. Et si la fin est un traditionnel happy ending (que certaines âmes sadiques de lecteurs peuvent regretter, un peu comme moi), il n’en demeure pas moins que les épreuves traversées le rendent justifié et non bancal. Le livre est très romanesque, mais dans le bon sens, lui permettant de ne pas rester qu’une simple histoire d’amour. Cela, et la manière délicate qu’a l’auteure de raconter, font que Les jours de ton absence a été extrêmement plaisant à lire, et qu’il est même un petit coup de cœur.
Ne serait-ce pas une critique du ghosting, qui est très à la mode, dans notre génération ?
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Ça montre bien les effets et conséquences que cela peut avoir, en tout cas (même si ici, l’histoire se termine bien), avec tous les réseaux sociaux et recherches Internet qui permettent de retrouver une personne.
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