Lectures de février 2019

Jusqu’ici, tout va bien (Okay for now) – Gary D. Schmidt / VO 2011, VF 2017

Le topo : Doug est un adolescent vivant au milieu d’une famille dysfonctionnelle : son père boit, son premier frère est un délinquant, son deuxième frère est détruit par la guerre du Vietnam, et seule sa mère est solide. Quand il déménage de force avec sa famille dans une ville paumée d’Amérique, ses premières errances l’emmènent à la bibliothèque, où il croise une jeune fille, Lil, et aussi un bibliothécaire qui l’encourage à dessiner…doucement, le quotidien devient un peu plus supportable pour le jeune homme, souvent réduit par les autres à un voyou comme son frère.

Le résultat : Jusqu’ici, tout va bien, est un de ces romans jeunes adultes qui font passer un très bon moment de lecture. Ici, cela se révèle d’autant plus vrai que notre narrateur et personnage principal n’est pas particulièrement sympathique, dès le début. Mieux, même, il est carrément introverti, refusant d’ouvrir toutes ses pensées au lecteur, introverti, prompt aux impulsions violentes, aux coups d’éclat d’un caractère fataliste et pessimiste, imprévisible. Autant dire que ce type de personnage change, fait du bien, mais se révèle aussi attachant tout au long de la lecture. C’est le portrait d’un gamin plus sensible qu’il n’y paraît, plus conscient et plus mature que d’autres, aussi. Lil, la jeune fille, est bien plus lumineuse que lui. Mais ce qui le sauve, c’est bel et bien la bibliothèque où il apprend peu à peu à dessiner, le petit boulot qu’il parvient à trouver, les petites victoires du quotidien. Difficile de résumer l’action de ce roman, mais il est vraiment une très belle lecture et qui ne prend pas le lecteur pour plus bête qu’il ne l’est, faisant preuve d’implicite et de réalisme. Il démontre aussi de poignantes relations entre les personnages, notamment dans la famille de Doug, avec un frère ayant perdu ses jambes à la guerre.

Mystères d’écrivains : 50 histoires secrètes et insolites – Elise Costa / 2018

Le topo : Qui se cache derrière le pseudonyme d’Elena Ferrante ? Où Agatha Christie a-t-elle disparu pendant plusieurs jours ? Quelle était la relation entre Romain Gary et Emile Ajar ? Ce livre présente cinquante faits insolites sur divers écrivains, aussi bien classiques que contemporains.

Le résultat : Ces cinquante mystères d’écrivains ne sont pas inintéressants, et permettent d’en savoir plus, ou de découvrir de nouvelles choses, sur des écrivains parfois bien connus au premier abord. Il se lit d’ailleurs facilement et permet d’enrichir ses connaissances. Cependant, l’ouvrage demeure bien trop superficiel et vulgarisateur pour véritablement marquer, sans compter que je n’ai pas apprécié le style de l’auteure. Ce documentaire n’est pas assez profond pour rester dans les mémoires.

Cette fille, c’était mon frère (Luna) – Julie Anne Peters / VO 2004, VF 2016 (Publié sous le titre La face cachée de Luna en 2005)

Le topo : Regan vit dans l’ombre d’un frère trop populaire, trop brillant, plus brillant qu’elle. Pourtant, c’est à travers ses yeux qu’on se rend aussi compte de la vérité : son frère, Liam, ne rêve que d’une chose, être Luna, la personne qu’il se sent être au fond de son âme. Regan est la seule à partager ce secret avec sa sœur transgenre, à la soutenir et à l’aider, même si cela doit parfois lui peser et lui donner l’impression que sa vie ne sera jamais normale.

Le résultat : J’avais eu un énorme coup de cœur pour Normal(e), qui traitait avec énormément de justesse du sujet de la transidentité. J’ai aussi assez aimé la manière d’aborder ce sujet avec Cette fille, c’était mon frère, qui passe à travers la vision de Regan, la sœur de la personne concernée directement par le sujet. Cela nous permet de voir l’évolution de Luna, ses doutes, ses réussites, ses progressions par à-coups pour faire son coming-out ; de ressentir la force du lien entre les deux sœurs et la nécessité pour les trans d’être entourés, de voir aussi comment ce changement peut être parfois difficile à vivre ; de passer, par le biais de Regan, par des questions, des interrogations sur le sujet, auxquelles sa sœur répond naturellement. Même si le personnage de Regan peut parfois agacer, le livre tient beaucoup à son équilibre avec ses deux personnages féminins. Il présente aussi la transidentité sous un aspect juste et engagé, sans pour autant sombrer dans le pessimisme qu’on trouve trop souvent dans les films traitant de cette thématique.

Le loup des mers – Riff Reb’s & Jack London / 2012

Le topo : Humphrey Van Weyden, simple critique littéraire, se retrouve sauvé d’un naufrage par un capitaine à l’allure sinistre : Loup Larsen. Forcé de devenir mousse, le narrateur se rend peu à peu compte que l’apparente rudesse et violence de Loup Larsen côtoie aussi une intelligence redoutable et une ironie acérée, ainsi qu’une grande connaissance du monde…

Le résultat : Pour donner vie à ce roman de Jack London, l’illustrateur / scénariste / coloriste a mis en scène des images sombres parfois glauques, souvent tumultueuses. Mais ainsi, il rend parfaitement le caractère d’entre-deux du personnage le plus intéressant de l’histoire, Loup Larsen. Il oscille entre loup des mers féroce et impitoyable, presque monstrueux et cruel, et homme plus cultivé, rêvant parfois d’absolu, capable de poésie. Cette confrontation entre lui et le narrateur est savoureuse, par des joutes verbales et des défis assez intéressants, au gré des aventures maritimes forcément sauvages et éprouvantes. La bande dessinée est une grande réussite, et est belle à voir. Cela donne vraiment envie de s’intéresser aux œuvres de Jack London, au-delà des traditionnels Croc-Blanc et L’appel de la forêt, car il semble avoir écrit bien des personnages tourmentés ou à deux visages.

Le mur invisible (Die Wand) – Marlen Haushofer / VO 1963, VF 1985

Le topo : La narratrice, invitée chez des amis à la montagne, se retrouve soudainement coupée du monde par un mur invisible. Au-delà, les humains comme les animaux ont cessé de vivre, se figeant comme des statues. Restée du côté viable du mur, elle doit alors s’organiser pour survivre, manger, s’occuper des animaux restés de son côté (un chien, une vieille chatte, une vache…) tout en évitant de sombrer dans la folie, l’inaction ou la mélancolie.

Le résultat : Écrit sous forme de journal intime, de récit visant à survivre à son auteure, Le Mur invisible aborde le sujet de la survivance d’une manière assez inédite. Cette femme, restée seule, bloquée par un immense mur invisible dont on ignore la nature (mais qui semble une métaphore de la terreur d’une bombe atomique) doit bel et bien apprendre à survivre dans la solitude et la nature. Elle qui était plutôt citadine que paysanne, elle se retrouve transformée au bout de plusieurs mois, se prenant à apprécier cette vie difficile mais plus proche de la nature, en harmonie avec les paysages et les animaux, loin d’une société humaine où elle ne s’est jamais sentie véritablement à l’aise. De cette situation naissent des réflexions poétiques et philosophiques à la fois, tout en dressant le récit de son existence. Bien que le roman n’ait pas de véritable fin, il se lit aisément et avec curiosité, tant son histoire intrigue et est originale – en dépit de quelques longueurs.


7 réflexions sur “Lectures de février 2019

    1. Pas de problème, je te ferai un petit avis quand je l’aurai fini ! Pour l’instant je ne suis qu’au début. Par contre, je n’ai pas lu l’autre ouvrage sur le sujet (publié chez Hors collection je crois) donc je ne pourrai pas te faire la comparaison, même si je lirai sans doute celui-là aussi plus tard !

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  1. Concernant Cette fille, c’était mon frère, je trouve les parents nettement plus agaçants que Regan. La mère est carrément horrible. Justement, je trouve que le livre se démarque en nous mettant à la place d’une personne proche de quelqu’un faisant sa transition. Malgré toute sa bonne volonté, ce n’est pas une expérience sans obstacle et toujours facile. Après, bien sûr, Regan n’est pas mon personnage favori.

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    1. Ah, il est clair que les parents sont assez horribles. La mère qui fuit, le père qui ne veut rien entendre. Niveau autruches, on ne peut pas faire mieux qu’eux, surtout la mère qui avait compris depuis longtemps, mais n’avait rien fait. Oui, on est à la fois empathique pour Regan et Luna, par le lien entre les deux soeurs, et on ressent aussi profondément l’envie d’aider de Regan, sa frustration, ses erreurs, que son amour pour sa soeur. C’est assez puissant, et réaliste.

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      1. Si mes souvenirs sont bons, la mère a même envie qu’elle se détruise ou meurt, puisqu’elle la laisse avoir accès à ses médicaments, que ça soit les hormones ou je ne sais plus quoi.

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  2. Wow mars est déjà passé ? Je suis en r’taaaaard 😛 Blague à part, tu m’intéresses beaucoup avec ce premier livre, Jusqu’ici, tout va bien. A voir la taille de la bête, mais je pense que ça peut bien parler à mes loulous. Cette fille, c’était mon frère me tente énormément aussi. Et les petites histoires d’écrivains ont l’air bien, même si à prendre plus à la légère. Bon prochain mois de lecture ^^

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    1. Tu es la seule à l’avoir remarqué ! 😀 Merci pour la remarque ! Jusqu’ici, tout va bien, est vraiment très sympa, et fait 368 pages. Un peu épais, mais l’histoire se lit bien, et je pense est adapté vers 13-14 ans. Et puis le héros renfermé change carrément des narrateurs de d’habitude, j’ai beaucoup apprécié. Cette fille c’était mon frère est aussi très bien dans son genre, même si ce n’est pas un coup de coeur, et en dépit de ses thèmes délicats, il a aussi un côté très adolescent qui allège l’histoire. Merci, à toi aussi bonnes prochaines lectures !

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