L’ascension de The Witcher : Un nouveau roi du RPG | Benoît Reinier

Pas d’article de lectures mensuelles, ce mois-ci : j’ai en fait peu lu (c’est relatif), et n’ai terminé que quatre livres. Il y a déjà eu une critique du roman noir Sauvage, tout en ambiance nordique et surnaturelle. Je n’ai guère de choses à dire sur le documentaire tiré de la websérie Et tout le monde s’en fout : on y retrouve les mêmes principes, le même humour ironique, et le tout aurait mérité plus d’approfondissement, même si c’est un choix éditorial d’expliquer un concept par double page et de donner ensuite l’impulsion au lecteur de fouiller davantage. Quant à Nous qui n’existons pas de Mélanie Fazi, c’est une non-fiction très touchante, une sorte de témoignage sur l’identité (de genre ou en général), l’asexualité, l’écriture, les mauvais genres en littérature, la marginalité. Bref, un excellent petit livre, mais sur lequel je reviendrai plus tard, quand j’aurai eu l’occasion de relire les nouvelles de l’autrice.

Cependant, je terminerai le bilan des lectures du mois d’avril en parlant plus longuement du documentaire L’ascension de The Witcher : Un nouveau roi du RPG, écrit par Benoît « ExServ » Reinier.

L’ouvrage porte sur plusieurs aspects de la saga vidéoludique, en commençant bien entendu par la création du studio CD Projekt Red, son historique, ses principes, son entrée dans le marché du jeu vidéo en Pologne, pour un studio qui ne se consacrait au début qu’à la localisation d’autres jeux (la traduction et l’adaptation d’un titre à destination d’un pays). L’histoire du studio est d’autant plus intéressante que le premier Witcher est leur première création : The Witcher II et III connaîtront ainsi une évolution et une maturité grandissantes au cours des années, en même temps que l’équipe derrière le projet. Cela se reflète bien entendu dans la narration de l’histoire, mais aussi le moteur du jeu, les mécanismes de gameplay rectifiés ou repensés, dans la manière de représenter les femmes et la sexualité, les différentes thématiques… à la maturité d’une saga sur plus de dix ans, se mêle aussi l’évolution des hommes derrière la trilogie de The Witcher. Cela se ressent d’autant plus quand on lit que les créateurs souhaitaient instaurer l’univers dans le premier volet, la politique dans le second, et la thématique de la famille dans le troisième, le plus abouti et le plus précieux, peut-être le plus émotionnel.

Ce documentaire est aussi l’occasion d’en découvrir plus sur comment le jeu vidéo a été adapté depuis les romans. Le studio a créé un univers et une histoire qui cohabite avec les romans d’Andrejz Sapokowski, sans effacer les intrigues précédentes, ni en les adaptant de la manière habituelle, offrant une sorte de fin alternative se passant après les sept volumes. Une même fin qui utilise de manière intelligente l’amnésie de Geralt de Riv, présente au début du premier opus. Au-delà de cette narration, bien des éléments des romans ont été traduits en gameplay, de manière à rendre hommage aussi bien au matériau d’origine de la saga, qu’en les utilisant d’une façon nouvelle. Découvrir tous ces détails et toutes ces réflexions est véritablement passionnant.

L’auteur insiste aussi beaucoup, et avec raison, sur ce qui marque le plus dans la saga de The Witcher : non seulement ses innovations, son écriture, mais aussi ses subtilités, son refus du manichéisme, son mélange permanent de plusieurs cultures. Ce sont des éléments tout aussi présents dans les romans, mais qui ont été repris avec assurance et maturité, dans la véritable volonté de faire de The Witcher des jeux complexes et à destination d’adultes. En prenant comme héros un personnage déjà marginalisé dans la société où il évolue, pas vraiment au cœur de la politique ou des affaires de pouvoir, c’est déjà une vision singulière qui est donnée. Et le monde de The Witcher est dans cette même lignée : revisiter les contes et mythes permet de refuser la dualité bien/mal, en montrant que chaque protagoniste, principal, secondaire ou PNJ, est fait de nuances, peut être la victime ou le bourreau en dépit des apparences. Ou mieux encore, en montrant à quel point aucun choix n’est le bon dans bien des quêtes et des situations, et que tout est une question de point de vue, de sacrifices et de choix, comme le montre l’intrigue de The Witcher 2, qui possède deux arcs complètement différents. La relecture et l’appropriation des contes et légendes familières par Sapokowski, sa mise en place d’un univers de fantasy sombre avec de multiples races et créatures, est un moyen de démontrer la complexité du monde et ses nuances. Un parti pris énormément respecté par CD Projekt Red, qui lui-même, en un sens, reprend à sa manière l’univers de l’auteur, avec un profond respect, pour faire preuve d’autant d’engagement que lui. En somme, si vous êtes fans de The Witcher, je ne peux que conseiller la lecture de cet ouvrage, riche en informations et en analyses, et qui rend honneur à la saga de Geralt de Riv. Petit plus : l’ouvrage ne spoile quasiment pas les romans.


10 réflexions sur “L’ascension de The Witcher : Un nouveau roi du RPG | Benoît Reinier

  1. Avec le livre sur Monkey Island, The Witcher est ma top priorité pour l’achat de bouquin JV. Hâte de mettre mes pattes de dessus. D’ailleurs je sais pas si tu l’as vu, mais sur l’excellente chaîne youtube NoClip t’as une série de reportages sur The Witcher et CdProjekt. Passionnant.

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    1. Je n’ai jamais joué à Monkey Island, je connais seulement d’après quelques vidéos sur Youtube, ça avait l’air génial ! Je ne connais pas du tout la chaîne Youtube dont tu parles, je vais aller jeter un regard/une oreille de ce pas !

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  2. Eh bien, j’essaierai de le lire, dès que possible. En te lisant, je regrette d’autant plus de ne pas avoir pu faire les deux premiers. Mais je ne me risquerai plus à acheter des vieux jeux qui crash en plein milieu d’une partie. ¯\_(ツ)_/¯

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      1. Je suis bien d’accord avec vous deux, moi aussi j’aurais envie de replonger dans un opus de cet univers, même si ça n’a pas l’air du tout au programme. D’ailleurs la question est aussi posée dans ce livre, le studio a tant d’attachement pour Geralt et son univers, ils le considèrent comme une seconde maison. Après, s’ils ne prenaient plus Geralt, je pense que ce serait difficile d’y retourner avec autant d’attachement. Peut-être avec Ciri ? Mais ce serait quand même prendre le risque d’un 4e opus moins bon que les autres…

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      2. Ciri ce serait très tricky suivant comment tu prends les différentes conclusions du titre. Et avec son pouvoir ça pourrait être tout aussi jouissif que tricky.
        Perso, j’attends surtout un caméo dans Cyberpunk 2077 pour elle. Après on pourrait jouer un Vesemir jeune, ça aurait de la classe ; à l’époque où les différentes écoles de sorceleurs étaient encore très représentées.

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      3. C’est vrai que ce serait très difficile vu les trois fins possibles. Mais ce serait intéressant, à n’en pas douter ! J’attends de voir Cyberpunk 2077, moi aussi. Pour Vesemir, je ne sais pas, on est quand même moins attaché à lui. Mais ça n’empêcherait pas de nous refaire voir Geralt plus jeune, aussi !

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      4. Après, comme c’est moins vendeur, ce ne sera sans doute pas le cas. Mais ce serait cool justement de s’éloigner des personnages les plus connus. Après, je disais Vesemir mais ça peut-être encore plus dans le passé et donc un nouveau perso. Bref, on verra. J’ai toute confiance en CDProjektRed

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