Lectures de février 2020

Petit aparté avant de vous laisser à la découverte des lectures du mois écoulé : j’ai eu le plaisir de participer au podcast Enter Player Two, animé par Donnie Jeep, et qui propose de découvrir, au cours d’une discussion, ceux et celles qui mettent en avant le jeu vidéo sous toutes ses formes. Je ne peux donc que vous inciter à aller découvrir ses différents podcasts ! Enfin, j’ai aussi eu le plaisir d’écrire quelques mots pour l’article Ode aux thèmes de personnages, sur le blog de Little Gamers/F-de-Lo. Là encore, si la musique vous parle, notamment dans sa manière de présenter un protagoniste, la lecture en vaut le détour ! Qui sait, l’un des thèmes sera peut-être un coup de cœur…

       Indie Games : Histoire, artwork, sound design des jeux vidéo indépendants – Bounthavy Suvilay

En vérité, j’ai lu Indie Games il y a plus d’un mois, mais j’avais oublié de l’intégrer dans les lectures de janvier. Corrigeons cela ! Indie Games est un livre massif, mais qui propose tout à la fois une courte histoire du jeu vidéo indépendant, mais aussi les différents genre de ce paysage vidéoludique, ses différents gameplay, ses bandes sonores, ses expériences de jeux, ses styles graphiques… Le tout parsemé d’interviews, de mille détails, exemples, et d’une abondance de captures d’écran, d’artwork, de documents de travail sur bien des jeux. Indie Games est donc une merveille à lire pour quiconque s’intéresse au jeu vidéo, indépendant ou non, permettant de voir les coulisses, les détails derrière la création d’un jeu, la raison des partis pris, l’incroyable diversité visuelle de ces jeux. Ce documentaire est un régal pour les yeux, sans doute une menace au porte-monnaie tant vous aurez envie de tester de nouveaux jeux ensuite, mais aussi d’une grande richesse. Il est fabuleux de voir comment un jeu se construit, parfois avec des techniques artistiques très précises, rappelant l’illustration traditionnelle, le tout pour évoquer des ambiances et des atmosphères très différentes les unes des autres.

Le petit garçon qui voulait être Mary Poppins – Alejandro Palomas

Guille est un petit garçon qui voue un amour démesuré au personnage de Mary Poppins, au point de souhaiter être elle. Son père est maladroit, taciturne ; sa mère est partie, son métier d’hôtesse de l’air l’ayant mené à l’autre bout du monde. A l’école, il se fait toutefois remarquer par sa sensibilité et son imagination, par son apparence de trop grand bonheur alors que sa mère est absente depuis des mois. C’est une institutrice et une psychologique scolaire qui permettront d’élucider ce mystère.

Le petit garçon qui voulait être Mary Poppins est un roman choral, présentant tour à tour le point de vue des différents personnages, présentant plusieurs sensibilités et personnalités, du rêveur et optimiste Guille à son père bourru et trop ancré dans les valeurs traditionnelles, jusqu’aux deux femmes de l’école qui essayent de prendre soin du petit garçon. C’est une manière de raconter différente, fantaisiste, douce à la fois, un livre qui laisse libre place aux sentiments, à l’imagination, à la bienveillance, et qui se lit bien rapidement. Mais, il faut l’admettre, le ressort final de l’histoire se découvre facilement avant la fin, gâchant l’effet de surprise. Et pourtant, j’ai beaucoup apprécié cette façon pour l’auteur de semer des indices tout au long des pages, sa manière de traiter l’enfance avec bienveillance et un évident respect pour l’imaginaire des enfants, pour leurs rêves, autant que pour la façon des adultes de se construire des refuges ou des illusions. Cela en fait un roman agréable à lire et qui se termine de manière optimiste, même si je ne le retiendrai pas plus que ça en mémoire.

Seirens : Mirage – Melissa Scanu

Seirens : Mirage est un roman fantasy jeunesse, deuxième tome d’une trilogie. Son intrigue se déroule dans un monde marin où co-existent deux peuples de sirènes, Rénatiens et Lamyntiens. Cette fois, l’héroïne, Fey, après s’être accoutumée à son univers marin, se trouve à Rénatia, où la politique de la ville commence à partir en vrille, en même temps que des enlèvements troublent la cité.

J’ai retrouvé le monde de Seirens avec plaisir, ainsi que ses différents personnages. En début d’un début un peu long à démarrer, le livre se lit toujours aussi bien, avec fluidité et rythme, sans oublier le plaisir de croiser à nouveau du vocabulaire seiren propre à l’univers. Cela nous permet aussi de découvrir de nouveaux personnages et de nouveaux lieux, et de voir les différents protagonistes évoluer. Ainsi, on a un trio amoureux qui détourne les codes traditionnels et qui traduit les aspirations de Fey, entre insouciance relative et stabilité protectrice. Mais l’intrigue principale se concentre aussi sur Rénatia, dont la politique et certains aspects évoquent beaucoup le système terrien. Mirage reflète bien l’atmosphère d’un deuxième tome où les apparences sont souvent trompeuses, où la ville de Rénatia se montre bien moins démocratique qu’elle n’en a l’air, avec des ennemis intérieurs dans la ville même. Les personnages se révèlent eux-mêmes à plusieurs facettes, entre ceux chutant du piédestal, et ceux endossant davantage le rôle de héros après une apparition discrète dans le premier tome ; à l’instar de Tyfenn et Katell, que j’avais particulièrement appréciées. L’une suit le chemin inverse de l’héroïne, tandis que l’autre grandit considérablement au cours de l’intrigue. Fey demeure fidèle à elle-même, certes impulsive, mais aussi critique et déterminée. Elle devient doucement plus mature et plus apte à prendre ses propres décisions en toute indépendance, en-dehors du regard des autres, dans un monde qui se complexifie en même temps qu’elle. D’un conflit entre deux peuples, on passe cette fois à la thématique d’un ennemi intérieur, dans un contexte plus civil et politique, qui permet d’approfondir les coutumes de Rénatia et de ses habitants. Et le petit clin d’œil au célèbre conte de La petite sirène d’Andersen à la fin est bienvenu.

Les refuges – Jérôme Loubry

Sandrine est une journaliste fraîchement débarquée en Normandie. Elle est alors priée d’aller vider la maison d’une grand-mère décédée qu’elle ne connaissait pas, sur une île au large, isolée. Arrivée sur ce petit îlot, elle découvre son histoire : l’endroit a accueilli un camp de vacances pour enfants après la Seconde guerre mondiale, pour les aider à outrepasser les horreurs de la guerre. Mais les enfants se sont noyés en 1949, mystérieusement. Les seuls habitants de l’île sont les moniteurs de l’époque, visiblement terrifiés par quelque chose. Et le mystère s’épaissit…

Je n’ai pas une très grande habitude des polars, et je m’étais laissée tenter par celui-ci suite au conseil d’une amie. Si le début m’a semblé mettre du temps à démarrer, au premier tiers, l’histoire prend véritablement son essor, et là, on dévore les pages pour savoir ce qui se passe véritablement. Mélangeant plusieurs points de vue, plusieurs temporalités, Les refuges prend au dépourvu, fait réfléchir pour résoudre ses mystères, pour assembler les pièces du puzzle, qui sont loin d’être aussi claires qu’il n’y paraît. C’est à la fois un roman sur les fantômes et traumatismes de la guerre, un récit de captivité et de résilience, mélangeant aspects historiques et enquête policière. Certaines parties du récit m’ont vraiment happée, avec une écriture fluide, assez cinématographique (bien qu’abusant un peu trop du terme « refuges » par moments). Mais…je l’admets, j’ai été un peu perdue vers certains rebondissements de la fin, qui donnent une couche supplémentaire à l’intrigue, mais qui pour ma part m’ont fait l’effet de « ça pour ça ? ». C’est purement subjectif, simplement parce que j’ai été plus impliquée dans l’histoire que je pensais être principale, que dans les autres secondaires du récit. Cela n’en demeure pas moins, je pense, une bonne lecture pour les fans du genre polar.

Wilder Girls – Rory Power

Hetty, Byatt et Reese font partie du pensionnat pour jeunes filles de l’île Raxter. Depuis dix-huit mois, un mystérieux mal, la Tox, a contaminé toutes les élèves de l’île, tuant les enseignantes, ne laissant survivre que les mineures. La nature est transformée de manière monstrueuse à l’extérieur du pensionnat ; un ravitaillement est mis en place de façon régulière, laissant Raxter en quarantaine ; et toutes les élèves malades voient des déformations physiques les transformer, crise après crise.

Roman d’horreur fantastique pour young adults, Wilder Girls a un véritable charme. En alternant les points de vue de Hetty et Byatt, on apprend ce qui se passe sur l’île depuis plus d’un an, et comment la plupart des filles sont mortes suite à la Tox ; comment la minuscule société de l’île s’est divisée en clans, luttant pour survivre. Du moins, jusqu’à la prochaine crise fatale… Wilder Girls – dont la couverture est magnifique – n’a pas été sans me faire penser à Annihilation, en beaucoup moins obscur et moins complexe. On plonge sans difficulté dans l’île de Raxter, le style de l’auteure restituant avec clarté le pensionnant écroulé, la nature sauvage, ce mélange de tension et de peur qui hante toutes les survivantes. Celles-ci sont loin d’être tendres entre elles, et le désespoir et la lassitude sont de mise, dans l’attente perpétuelle d’un vaccin venant de l’extérieur. Les transformations physiques ne sont pas épargnées, montrant comme le virus métamorphose chacune d’elle d’une façon personnelle, d’une façon dont elles finissent presque par s’accommoder. La fin ouverte n’est pas déplaisante, tout comme l’intrigue amoureuse homosexuelle qui reste secondaire, sans prendre le pas sur l’histoire principale et en étant parfaitement intégrée.

Holmes : L’adieu à Baker Street – Cecil, Luc Brunschwig

Premier tome d’une série de bandes dessinées en 6 tomes, Holmes revient sur John Watson, après le décès de Sherlock Holmes dans les chutes du Reinchenbach. Toujours troublé par la mort de son ami, il publie le récit de sa dernière aventure. C’est alors que Mycroft Holmes arrive, lui révélant que l’affrontement entre Holmes et Moriarty n’a jamais existé, et qu’il ne s’agit que du suicide déguisé d’un détective devenu malade. Watson se décide alors à enquêter, décidé à lever le voile sur la vie de son ami.

Cette bande dessinée, afin de revisiter le mythe du célèbre détective, décide ni plus ni moins que d’opérer un véritablement renversement. Et si le grand ennemi de Holmes n’avait jamais véritablement existé, du moins tel que le détective le voyait ? Et si Sherlock avait orchestré son suicide, rendu malade par sa propre déchéance due à la drogue ? Il est toujours fascinant de voir les mythes revisités, voire renversés pour nous en offrir une toute autre vision (c’était un peu la même idée dans l’un des épisodes de la série Sherlock, où Moriarty se fait passer pour un très bon acteur et non un maître du crime). Et pour ce faire, les dessins de Cecil sont admirables : tout en demi-teinte monochromatique, dans une atmosphère gris-bleu très sombre, très crépusculaire, comme pour mieux affirmer la tragédie de la mort de Sherlock, mais aussi tous les mensonges d’un détective dont la vie était bien moins brillante qu’il n’y paraît. Un premier tome dont je ne manquerai pas de lire la suite, ne serait-ce que pour avoir la résolution de cette première intrigue ! Merci Clelie pour cette découverte.

It – Catherine Grive

It est un roman jeunesse où l’héroïne, Joséphine – plus régulièrement surnommée Jo – retrouve tant bien que mal sa vie quotidienne après un incendie ayant dévasté son appartement. L’événement remue alors beaucoup de choses en Jo, dont ce sentiment d’être davantage garçon que fille, l’amenant à l’interroger sur son identité.

Court roman publié chez Scripto, It – surnom dérivant du pronom neutre anglais, également donné à Jo – est un texte qui permet d’aborder l’identité transgenre avec une certaine douceur et avec précaution. Il n’est pas aussi développé que d’autres livres sur le sujet, comme Normal(e) ou Celle dont j’ai toujours rêvé, mettant en parallèle l’intrigue de l’incendie et le questionnement de Jo. Mais il pose les bases d’une telle thématique, montrant comment Jo s’est toujours ressenti, s’est pensé par rapport aux autres, comment il s’affirme, et soulignant son évolution psychologique tout au long du livre. Il montre aussi les réactions de l’entourage, entre l’incompréhension, la bienveillance ou au contraire le refus. Mais It s’attache surtout à montrer à quel point Jo se sent heureux, à partir du moment où il se retrouve, ayant enfin la confirmation de qui il est. Ce qui n’empêche pas la porte ouverte à d’autres interrogations par la suite, sur le fait que tout n’est pas tracé d’avance pour sa transition, et qu’il a le droit de prendre son temps pour décider par quelles étapes passer, qu’il a le droit de s’interroger et même d’hésiter – ce qui effleure en partie le thème de la non-binarité. Je regrette certes le manque d’approfondissement par rapport à d’autres livres sur le même sujet, mais celui-ci est sans doute adapté à l’âge de son public (à partir de 13 ans je dirais) et est donc écrit en fonction.

Tales from the Loop – Simon Stålenhag

Tales from the Loop est un beau-livre illustré, à mi-chemin entre l’art et le récit. Il s’agit d’abord d’illustrations de Simon Stalenhag, décrivant un univers alternatif des années 80, où des enfants errent et jouent, croisant des machines et même des dinosaures. Plus tard, ces dessins ont été repris dans Tales from the Loop, le livre créant de petites anecdotes pour expliquer le contexte des illustrations, et l’histoire derrière cet univers.

Ainsi, the Loop est une institution scientifique, comportant entre autres un accélérateur de particules, installée en Suède. Les effets secondaires du dispositif ne tardent pas à s’imposer : création de machines intelligentes, résurrection d’anciens animaux… Tout un monde artificiel, presque intelligent, qui se retrouve ainsi à côtoyer les humains, dans un style qui fleure bon les années 80 et 90, et où des choses étranges arrivent, comme l’échange de corps de jumeaux, l’invasion de dinosaures par une brèche du temps, ou la routine d’un ingénieur chargé de réparer les machines autonomes. Si l’anglais est parfois un obstacle pour comprendre toutes les subtilités de ces petits récits, on peut toujours s’émerveiller et admirer les œuvres de Simon Stalenhag, qui parvient à créer tout un univers, parfois nostalgique, mais aussi fantastique qu’empreint de science-fiction, démontrant une cohabitation devenue quotidienne entre hommes et machines, un monde où l’étrange prend le pas sur le réel… même si à la fin, les enfants vivant de telles aventures sont devenus grands, et errent dans les ruines d’un complexe qui a été abandonné, et dont les créations sont devenues des vestiges presque oubliés. D’ailleurs, cet univers sera bientôt adapté en série.


15 réflexions sur “Lectures de février 2020

  1. Super mois dis donc ! J’avais eu la chance d’interviewer Bounthavy Suvilay pour le blog, j’ai vraiment beaucoup aimé son travail sur Indie Games. 🙂 Contente de voir que le tome 2 de Seirens est sympathique, le premier tome m’avait bien plu ! Et Wilder Girls, décidément cette couverture va me faire craquer, je le sens.

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      1. Ah, je viens enfin de capter que l’interview est sur ton blog ! Je vais pouvoir la lire, c’est super ! Oui, j’ai bien aimé Seirens (l’auteure est une amie), même si ce n’est pas forcément mon genre de prédilection. Wilder Girls est très sympa pour sa part ! Et c’est un plaisir de voir que le podcast t’a plu, j’en suis contente !

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  2. Alors comme ça, on oublie Indie Games… :red: Je te l’emprunterais volontiers mais pas tout de suite. Je n’arrive vraiment pas à me dégager du temps et surtout de la concentration pour lire, en ce moment. Et j’ai déjà une PAL monstrueuse. Mais il est vrai que la plupart des lectures de ce mois-ci sont intéressantes. Wilder Girls semble assez oppressant. Quant à It, c’est drôle, je ne connaissais pas. Rien à voir, mais j’ai appris, récemment que John Boyne avait écrit « My Brother’s Name is Jessica », mais je sais pas du tout si le livre parle de transidentité ou s’il est en français.

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    1. C’est la faute d’Instagram : comme j’ai écrit sur Indie Games dessus, j’ai ensuite oublié de le reporter dans ma liste Excel. Et pourtant, quel livre ! Je comprends, moi aussi ces jours-ci j’ai du mal à me poser plus de dix minutes pour lire. Wilder Girls est un peu oppressant, sans atteindre le niveau qu’on trouverait dans un roman adulte ceci dit. Je crois que It est assez récent. Tiens, John Boyne, j’ai envie depuis un moment de lire « Les fureurs invisibles du coeur » de cet auteur (thématique gay au minimum), j’ignorais qu’il avait écrit sur la transidentité. Je regarderai ça et te dirai, tiens. Ce n’est pas encore paru pour l’instant en France, mais comme tous ses ouvrages jeunesse ont été traduits, on peut supposer que ça le sera. Et ça parle bien d’une fille transgenre, du point de vue de son frère.

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    1. Oh, merci beaucoup ! Je suis ravie que les livres que je présente te plaisent et qu’ils te sortent de l’ordinaire parmi la masse de livres qui sortent tous les jours. Merci pour tes mots !

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