Richie (Olly Alexander), Roscoe (Omari Douglas) et Colin (Callum Scott Howells) débarquent à Londres en 1981, prêts à démarrer un travail, des études, une nouvelle vie. Une toute nouvelle existence dans un Londres où ils peuvent s’affirmer en tant qu’hommes gays. Ils y rencontrent Ash (Nathaniel Curtis) et Jill (Lydia West), avec qui ils entament une colocation au Pink Palace. Mais la menace d’un nouveau virus inconnu, le sida, sème bientôt l’inquiétude et l’inconnu dans leur quotidien…
Russell T. Davies est scénariste et producteur connu pour quelques saisons du revival de Doctor Who, Years & Years, mais aussi pour ses séries empreintes du milieu LGBT+ : Queer as folk, Cucumber et désormais It’s a sin. Une série qui peut être considérée comme une fière suite spirituelle de l’esprit Queer as folk, tant on y retrouve la même liberté de ton, la même énergie audacieuse, la même capacité à aborder des thématiques difficiles sans pour autant perdre le sourire. Un coup de coeur.
It’s a sin – qui tire son nom de la chanson homonyme des Pet Shop Boys – c’est aussi un projet personnel sur lequel Russell T. Davies a travaillé pendant plusieurs années avant de se sentir prêt à le produire. Car la série est empreinte de son propre vécu d’homme gay à Londres durant les années 80, inspirée de témoignages d’amis, de proches et de témoignages de l’époque, et même du combat d’une de ses amies, Jill Nader, qui inspire le personnage de Jill dans la série pour l’aide qu’elle offre au chevet des malades atteints du sida. Une véritable reconstitution historique sur une période que les nouvelles générations (LGBT+ ou non) ne connaissent pas, un hommage aussi à ces personnes qui ont vécu et qui vivent avec le sida, et une catharsis pour le scénariste, sans aucun doute.
En cinq épisodes, la série fait passer du sourire aux larmes d’une façon que j’ai rarement ressenti dans une série. It’s a sin est une histoire se déroulant sur une décennie, partant de l’arrivée pleine d’espoir de jeunes hommes dans une ville où ils pourront assumer leur sexualité, appartenir à une communauté, sans avoir à se cacher comme dans leurs villes ou quartiers respectifs. Ils affrontent le monde du travail, des études, des changements de voie, l’homophobie, mais ils découvrent aussi l’amour, la sexualité, l’amitié, l’expérience de la vie tout simplement. Richie, venu à Londres pour étudier le droit, change d’avis pour étudier le théâtre et devenir acteur, n’en déplaise à ses parents qui ne voient rien de son homosexualité et le considèrent en couple avec sa sœur de cœur, Jill. Roscoe, issu d’une famille nigérienne, quitte son quartier et sa famille conservatrice avec un fracas flamboyant, vivant de petits boulots. Colin quitte le Pays de Galles pour commencer un apprentissage chez un couturier, découvrant en même temps la vie gay. Tout ce quotidien est empli de scènes à la fois drôles, réalistes, délurées, laissant voir le bon comme le mauvais de cette communauté gay où tous peuvent s’affirmer, se trouver, mais être aussi harcelés sur leur lieu de travail ou être victimes d’homophobie. Un quotidien touchant et attachant, auquel se mêlent des scènes parfois bien plus excentriques, imprégnées de ce mélange tragi-comique qui sied si bien à l’écriture de Russell T. Davies.
Ces cinq jeunes gens forment un groupe pour lequel on se prend vite d’affection, comme une bande d’amis qu’on aime à retrouver à chaque épisode, comme une petite famille que l’on se serait trouvée. Et c’est par ce sentiment si fort d’attachement que, lorsque le sida arrive, les larmes et la tristesse arrivent. Avec eux, on assiste aux débuts de la maladie, du moment où elle n’est qu’une rumeur venant des Etats-Unis, jusqu’aux premiers cas, amenant paranoïa et peur de l’inconnu (cruellement d’actualité avec notre quotidien présent), mais aussi incompréhension et incrédulité. Pendant que Jill récure chaque centimètre de sa peau sous la douche après avoir apporté un repas à un ami atteint du sida, Richie embrasse et aime les hommes qui lui plaisent dans une boîte avec défi, refusant de croire à l’existence d’un virus qui ne tuerait que les gays. A l’enterrement d’un homme décédé du sida, son amant se fait refouler par la famille qui ne l’a jamais accepté ; pour un autre, on brûle toutes ses affaires, tant par honte que par crainte de la contagion. Quand un des personnages se retrouve malade, il est emprisonné de force dans un hôpital par peur de la maladie, isolé de sa propre famille, le personnel médical refusant de l’approcher pour lui donner ses repas et de lui donner accès à des toilettes communes.
C’est là que toute la reconstitution de l’époque, brillamment faite avec les musiques, vêtements et décors de l’époque, prend tout son sens. La série exploite cette incertitude face à un sida encore inconnu, dont les moyens de transmission ne sont pas encore pleinement découverts, dont la fin est fatale, où la confiance entre les amants est toujours sujette à la peur et au risque. Et cette période ne sera pas sans décès et deuils, qui deviennent la face sombre de ces années 80 pourtant pleines de vie et d’énergie.
That’s what shame does. It makes him think he deserves it. The wards are full of men who think they deserve it. They are dying, and a little bit of them thinks, yes, this is right. I brought this on myself, it’s my fault, because the sex that I love is killing me. I mean it’s astonishing, the perfect virus came along to prove you right. So that’s what happened in your house. He died because of you. They all die because of you.
Mais au-delà du sida, c’est toute une multitude de sujets que la série aborde : la quête d’identité, d’appartenance à une communauté, une famille, des amis ; le coming-out, l’homophobie, le fait de vivre en couple mais caché aux yeux de la société, la culpabilité, la fierté ou la honte d’être gay ; l’engagement, le militantisme pour amener à faire reconnaître une maladie méconnue et ignorée du grand public ; le déni, les multiples nuances des réactions de chacun face au sida, la façon de le vivre. En passant par le point de vue de ses personnages principaux, mais aussi par leur entourage, amis, familles, connaissances, c’est une multitude de visions qu’offre la série, permettant l’empathie, le conflit des parents acceptant ou refusant l’homosexualité de leurs enfants, offrant des nuances au sein même des réactions de la communauté LGBT+.
Plus que tout, malgré son évidente gravité, It’s a sin est une série au cœur battant, à l’atmosphère enfiévrée, aux personnages hauts en couleur (certains ne sont pas sans rappeler ceux de QAF, encore une fois), terriblement attachants et passionnés, interprétés par un casting brillant. On aime chaque personnage pour ce qu’il est, universel, du plus excentrique au plus sage, avec ses défauts et ses qualités. La série exulte la joie de vivre, l’amour, la liberté, l’affirmation de soi. En abordant l’origine et le vécu autour du sida, It’s a sin se fait aussi ode à la vie, exhortant à rappeler que ceux décédés de cette terrible maladie ont mené une existence emplie de moments de joie, et que s’il faut se rappeler d’eux, c’est aussi pour cette vie éclatante.
« That’s what people will forget, that it was so much fun. »
Ayant adoré (kiffé aller !) le Queer as folk de Russel T Davies (je regarderais la version US en temps voulu) que je connait surtout depuis Doctor Who, j’ai l’intention de regarder Cucumber, Banana et It’s A Sin (oui oui, j’ai eu la chanson dans ma tête !). Ton article m’a plus que donné envie de la regarder. Aller hop, voilà que ma liste se rallonge une fois de plus !
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Je ne savais pas du tout pour ma part qu’il avait créé Cucumber, Banana, c’était passé sous mon radar. J’essayerai de les retrouver, pour voir ce que ça donne. Ah, moi, je ne connaissais pas la chanson, j’ai dû fouiller avant de comprendre d’où venait le titre ! ^^ » Mais oui, si tu as adoré Queer as folk, tu adoreras It’s a sin. Une merveille !
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Je l’ai su car y a un perso de QAF qui fait une apparition dans Cucumber ^^.
Ah mais j’en doute pas aha étant donné que ça été un gros gros coup de coeur cette série (surtout Stuart ♥)
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Je n’avais pas vu ta critique ! Je partage sur toute la ligne, bien entendu 🙂
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Merci beaucoup à toi ! Oui, nos avis se rejoignent totalement, j’ai revu la série avec grand plaisir… j’espère qu’elle sera récompensée et accueillie comme il se doit !
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Moi aussi !
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Eh bien, je ne sais pas si la série est aussi bien que Queer as Folk US, mais elle a l’air dans la même lignée, et nul doute que je la regarderai à l’occasion. Elle est diffusée où ? Merci pour cet article édifiant 🙂
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Elle est clairement dans le même esprit et la même lignée (un personnage notamment te fera penser à Emmett). Ça m’a donné envie de refaire tout Queer as folk, d’ailleurs. Elle est dispo sur Canal +, notamment avec le premier épisode gratuit.
Prépare quelques mouchoirs, au cas où ! :p
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La série à l’air poignante ! Je n’avais pas trop aimé le film 180 battements par minute, mais le sujet m’intéresse, on a du mal à s’imaginer l’ignorance qui entourait la maladie à cette époque et les conséquences pour les malades qui étaient de véritables pestiférés.
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Je n’ai pas encore vu ce film, même s’il est sur ma liste de « films LGBT à garder sous le coude ». L’avantage de la série, c’est de le faire avec autant de force dramatique, mais en gardant quand même de la lumière jusqu’au bout. C’est vrai que pour ma part, j’ai tout découvert aussi… je n’en reviens pas de la façon dont les malades étaient traités, l’ignorance qui se répandait à l’époque, les préjugés… c’est effarant. Ça a un écho avec notre pandémie actuelle en tout cas.
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