Sur ce challenge des classiques, il y en aura au moins un… qui a été abandonné ! Villette, troisième roman de Charlotte Brontë, paru en 1853, me sera en effet tombé des mains au bout d’un peu plus de deux cents pages (sur sept cents).
Villette, c’est l’histoire de Lucy Snowe, une jeune Anglaise sans véritable famille ni argent, qui se destine à l’enseignement. Elle vit tout d’abord chez sa marraine, où elle fait la connaissance d’un certain Graham Bretton, un jeune homme aussi intelligent qu’espiègle, et d’une fillette trop mûre pour son âge, Polly. Puis elle part en Belgique, à Villette, pour trouver sa place dans un pensionnat pour jeunes filles tenues par une directrice aussi rigide qu’énigmatique. Là-bas, elle partage son quotidien, la confrontation entre le catholicisme du pays et son protestantisme, sa perception des autres, des élèves aux adultes du pensionnat…
Je ne me serais pas attendue à abandonner un autre livre de Charlotte Brontë, après avoir autant aimé Jane Eyre. Mais il faut dire que ce roman est d’une toute autre trempe, s’appesantissant encore davantage sur les émotions de notre héroïne-narratrice qui, elle, n’a en revanche rien du caractère déterminé et solide de Jane Eyre. Lucy Snowe se présente elle-même comme assez terne et effacée, quelqu’un destiné à n’être que de passage, sans véritable attache familiale ni amicale – il n’est d’ailleurs rien dit de sa famille, absente pour des raisons mystérieuses – quelqu’un qui doit se contenter de vivre dans la société et le monde pour la bonne raison qu’elle y est née, et rien d’autre. Son seul moment de bravoure est peut-être son départ pour la Belgique, mais motivé par le fait que rien ne l’attende en Angleterre et que cela ne peut donc être pire là-bas ! Une fois à Villette, hormis quelques passages où d’autres personnages demandent ses avis, ou quand on la met au pied du mur dans certaines situations (enseigner à une classe pour la première fois, participer à une pièce de théâtre amateure) la jeune femme est terriblement en retrait, ne cherchant ni véritable amitié, ni passe-temps, ne s’imposant jamais, se contentant d’observer et d’être une spectatrice de l’environnement qui l’entoure.
Et si, quelque part, cette figure autant en retrait a quelque chose d’intéressant, c’est aussi une des raisons qui m’a conduite à abandonner le roman : une héroïne aussi peu impliquée dans sa propre histoire, des personnages secondaires guère énigmatiques ou intéressants et des événements du quotidien… qui restent le quotidien. C’est en fait toute la conception de l’héroïne, du moins pour ce que j’en ai lu : un protagoniste volontairement en retrait, en prompt à une certaine détresse psychologique, reflétée autant par des détails extérieurs que par ses propres pensées. J’admets également avoir été assez surprise, dans un mauvais sens, de l’étrangeté de la relation entre deux personnages du début : Polly et Graham, Polly se comportant presque comme une mère / femme jalouse vis à vis de Graham, par ses soins et attentions, alors que la première n’est qu’une enfant et Graham un adulte. Bon, le roman a bien été écrit au XIXe siècle, et les relations et rôles étaient très codifiés, mais tout de même… Cela a contribué dès le début à trouver ces deux personnages insupportables, par ailleurs, n’aidant pas à la lecture.
Cependant, je comprends néanmoins l’intérêt de Villette dans l’œuvre de Charlotte Brontë : on y sent une différence d’écriture avec Jane Eyre, et sans doute le style est-il plus travaillé, plus aigu dans sa peinture de la société et des caractères. De plus, lire la préface éclaire sur ce roman : Villette est incontestablement autobiographique, reflétant la propre expérience de Charlotte, la plus « mondaine » des sœurs Brontë, qui est effectivement allée en Belgique pour se former et préparer l’ouverture d’une école avec ses sœurs. Or, la mondanité de Charlotte était de « rester très souvent muette » lors de ses excursions en société. Ses frère et sœurs étant encore plus discrets et inaccoutumés au monde extérieur, en-dehors de quelques passages en pension et des expériences de gouvernant(e)s. Rappelons qu’ils vivaient presque uniquement entre eux avec leur père, assez pauvres, et partageaient un imaginaire et une écriture vivaces – sans doute plus réels pour eux que la réalité.
A ce titre, Lucy Snowe n’est qu’un alter ego de Charlotte, un reflet de la jeune femme qu’elle a été, tentant de se confronter à la société et d’y trouver sa place en vain, découragée par le conflit des religions, déçue de ses expériences aussi bien professionnelles qu’amoureuses, se sentant quelque part condamnée à ne jamais faire véritablement partie de la société. Un étrange protagoniste sans cesse en retrait, dominé par l’angle de la raison et de la logique pures, se refusant à se laisser hanter trop longtemps par des sentiments souvent trompeurs ou décevants. Pourtant, elle est de ce fait peu similaire aux personnages féminins de l’époque, tant les émotions sont données sans fard et tant Lucy, à l’instar d’une certaine Jane, se démarque du rôle traditionnel des femmes du XIXe siècle, en attitude comme en caractère.
Alors, peut-être que je passe à côté d’un excellent roman – la fin étant visiblement ambiguë, par ailleurs, pour un livre de l’époque – mais au bout de deux cents pages, le quotidien tristement banal de Villette et l’attitude spectatrice d’une héroïne au caractère trop lisse, presque fade, auront eu raison de mon attention. Pourtant, j’arrivais peut-être au moment où la clef de la psychologie de l’héroïne arrivait, comme le prouve cette citation de la page 212 ; mais cela faisait déjà quelques dizaines de pages que je me forçais à continuer, histoire de…
« Ce soir-là, mes sensations, aussi bien que mes actes, avaient été parfaitement inattendus pour moi […] Froidement, non sans répugnance, j’avais accepté de jouer un rôle pour faire plaisir à autrui et voilà que bientôt, m’échauffant, y prenant goût, encouragée, j’avais joué pour mon agrément personnel. Mais à quoi bon cultiver un art parfaitement inutile pour moi qui ne serai jamais que spectatrice dans la vie ? »
Ce roman est le dernier que je n’ai encore pas lu de l’auteure et j’ai peur que mon constat soit sensible au tien et se rapproche de ma récente lecture de Shirley.
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Aie, si en plus Shirley est du même acabit ! Qu’as tu pensé du Professeur ?
C’est quand même terrible d’avoir adoré Jane Eyre et que Villette tombe des mains…
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Je te rassure beaucoup n’ont pas apprécié Le Professeur alors que je l’ai adoré et que je le lance dans la même veine que Jane Eyre. Je suis sûr qu’il peut te plaire également.
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Je suis passée à côté de celui-ci aussi, je l’ai fini mais à grands renforts de lecture diagonale… Jane Eyre reste de loin mon préféré.
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Tu as été bien plus courageuse que moi !! Remarque, je crois déjà que je lisais un peu superficiellement les dernières pages… mais j’avais décidé de ne plus me forcer à lire un livre si au bout de 50/100/150 pages je ne rentrais pas dedans. La j’ai persisté pour l’autrice mais c’est tout. Jane Eyre restera le meilleur ! Ton avis me rassure un peu, je ne suis pas la seule.
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Je ne suis pas certaine d’avoir la patience de le lire, mais pourtant ce côté presque autobiographique et la perspective de suivre, pour une fois, une héroïne effacée m’intrigue. Bien que tu ne l’aies pas terminé, tu dotes néanmoins ce roman d’un certain nombre de qualités qui me parlent…
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Je pense que le roman a bien ses qualités, on dit d’ailleurs qu’il est mieux écrit que Jane Eyre, il a son propre parti pris. Disons que si tu te lances tu saurais à quoi t’attendre !
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Quel dommage, cette rencontre manquée avec Vilette ! De cette autrice, je n’ai lu que Jane Eyre, roman que j’adore, mais j’ai une grande envie de découvrir le reste de sa bibliographie (ainsi que celles de ses soeurs). J’ignorais qu’il s’agissait d’un tel pavé et ce que tu en dis m’intrigue et m’inquiète à la fois. Je suis intéressée par ce personnage atypique mais j’ai souvent besoin d’implication et d’affection pour les personnages. En tout cas, cette lecture ne sera pas pour tout de suite: j’ignore si, au final, ce roman me plaira, mais je sais que ce n’est pas ce dont j’ai envie et besoin pour l’heure. Merci pour cette chronique creusée et passionnante comme toujours !
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J’ai aussi très envie de découvrir les écrits du reste de la famille de Brontë ! Après, je vois que les critiques sont un peu divisées, j’en ai lu des très élogieuses sur le roman, mieux écrit que Jane Eyre dit on, mais de mon côté je ne suis pas du tout rentrée dedans. J’ai besoin d’attache aux personnages, tout comme toi. Je pense que la lecture peut clairement attendre. Apres, critique creusée.. sur 212 pages, c’est vraiment pas représentatif comme il le faudrait.
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Je lui laisserais très probablement une chance un jour, bien que pas dans l’immédiat pour me faire ma propre opinion.
Certes, mais pour une lecture abandonnée, ta chronique reste très détaillée sur ce que tu en as pensé, ce qui t’a conduit à arrêter la lecture,, etc. Ce n’est pas une analyse poussée du roman, mais ça reste très argumenté sur ton expérience personnelle de lecture.
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Peut-être certains problèmes allaient-ils être résolus dans les centaines de pages suivantes, mais je peux comprendre la réticence à l’idée de se forcer à terminer un tel pavé^^
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Ouch en effet il y a beaucoup de pages. Je trouve ça super de varier les plaisirs et de lire des classiques par moment (ça m’arrive aussi). Par contre je t’avoue que je ne connaissais ni Villette ni son auteure…
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Oui, relire les classiques ça fait du bien de temps en temps. La par contre, ça a du mal à passer… mais si tu ne connais pas Charlotte Brontë, je te conseille vivement Jane Eyre, en livre ou en adaptation ciné… c’est vraiment une œuvre belle et passionnée !
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Eh bien, voilà une grosse déception pour toi… Déception que je peux comprendre, néanmoins, car la plupart des romans de Charlotte Brontë sont très en-dessous de l’indétrônable Jane Eyre. J’ai lu Villette il y a longtemps, et je l’avais énormément apprécié à l’époque, contrairement au Professeur, qui m’avait un peu rebutée… Et tout comme Shirley, que je ne suis jamais parvenue à terminer. Comme quoi, tout n’est pas égal dans l’oeuvre de l’auteur…
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Aie aie, oui, d’autant que tu me l’as offert ! J’ai aussi essayé de persiste pour toi, je t’assure ! Mais effectivement, j’ai été déçue de ne pas y retrouver la saveur de Jane Eyre, meme en sachant que la différence est voulue. Ce qui m’étonne est que Jane Eyre est son premier texte : les suivants devraient avoir acquis en style, maturité, etc, et pourtant j’ai eu l’impression que Villette était un premier texte avec imperfections…étrange ! Par contre je pensais quand même essayer de m attaquer aux autres, mais si toi aussi tu as du mal avec celui-là..c’est fou que ses œuvres ne laissent pas du tout la même impression…
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Le gros flop quoi!
C’est souvent le risque de s’ennuyer avec les livres de cette époque je trouve. C’est soit on est dans un livre lent mais qui ne perd pas de son interet (les Jane Austen pour moi typiquement) soit c’est lent et chiant et c’est juste lent et chiant!
Je n’ai encore jamais lu de Charlotte Bronte (oui, la honte : » »)) mais je ne commencerai pas par celui la (enfin, je ne le lirai probablement jamais quoi ^^)
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Jane Eyre est beaucoup mieux ! Lent parfois mais empreint de passion et d’émotion. Et oui, il faut aussi peut être se réhabituer à cette lenteur…c’est pas évident après beaucoup de contemporain
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