Queer as folk (2022) | Reboot en semi-teinte

1999, c’était l’année où Queer as folk, version anglaise, produite par Russell T. Davies, débarquait sur Channel 4 pour deux saisons. 1999, quand le petit écran manquait encore cruellement de séries représentant le milieu homosexuel de façon réaliste. A l’époque, Queer as folk fut pionnier, proposant de découvrir le quotidien d’un groupe d’adultes trentenaires à Manchester, dressant un portrait sans fard ni édulcorant du milieu gay : dialogues crus et directs, scènes de sexe explicites, etc, dans une série où être hétéro était vraiment l’exception. L’année suivante et jusqu’en 2005, un remake américain sur Showtime, co-réalisé par Ron Cowen Daniel Lipman, reprenait la trame de la série à Pittsburgh (Pennsylvanie). Mais la série se permit alors de développer plus longuement ses personnages et ses thématiques sur cinq saisons.

Queer as folk 2022

Si les deux séries sont encore aujourd’hui des références dans la culture LGBTQI+, abordant de nombreux sujets – du coming-out à l’homoparentalité, en passant par la prise de drogues et le sida – il faut bien admettre qu’à leur époque, elles manquaient cruellement de diversité : pas ou peu de personnages racisés, et une absence cruelle de personnages transgenres, bisexuels ou non-binaires. Ce qui, sans aucun doute, est à l’origine d’un reboot : Queer as folk, version 2022, est réalisée par Stephen Dunn pour la chaîne Peacock, et se déroule cette fois à la Nouvelle-Orléans. Et l’ambition de la série est bien de remettre Queer as folk au goût du jour, le public – et la société – ayant évolué depuis vingt ans.

La série propose un tout nouveau groupe de personnages, desquels on ne retrouvera que de vagues motifs des protagonistes d’origine : Brodie Beaumont (Devin Way) revient à la Nouvelle-Orléans et dans sa famille adoptive après avoir abandonné ses études de médecine. Séducteur et quelque peu égocentrique, le jeune homme en profite pour essayer de renouer avec son ex, Noah Hernandez (Johnny Sibilly). Brodie retrouve également Ruthie O’Neil (Jesse James Keithel), son amie d’enfance, en couple avec Shar (Candace Grace), couple auquel il a donné son sperme et qui attend des jumeaux. Parallèlement, on suit également Mingus (Fin Argus), un jeune adolescent de 17 ans adepte du drag et qui cherche à se produire à la boîte de nuit du Babylone pour entrer ensuite à l’école des drag-queen. Mais l’univers de tout ce groupe bascule quant une fusillade homophobe éclate ce soir-là au Babylone…

Un miroir de son époque

Les deux premières séries Queer as folk étaient bien évidemment des marqueurs de leur propre époque, à un moment où il était encore difficile de faire un coming out, de vivre ouvertement en couple gay, où le mariage entre personnes de même sexe n’était pas autorisé. A leur image, Queer as folk (2002) se veut le reflet de son temps. La société a bien évolué et accepte plus facilement les personnes queer, les couples de même sexe. Bien que ce soit plus tabou et un peu plus marginal, la société connaît aussi (à défaut de totalement les accepter ou les comprendre) les personnages transgenres et non-binaires. Mais si l’époque est plus ouverte, la tolérance et la compréhension ne sont pas toujours présentes.

Ainsi, la fusillade par laquelle débute la série n’est pas sans rappeler le tragique attentat à Orlando, à la boîte gay Pulse en 2016, encore trop proche dans la mémoire collective. Le réalisateur a d’ailleurs rencontré et interrogé des survivants de cette tragédie, pour raconter au mieux celle fictive. L’événement sert de fil rouge pour toute la saison, laissant les personnages traumatisés par l’attentat, essayant de se reconstruire comme ils peuvent. Les mœurs ont beau avoir évolué, les droits LGBTQI+ restent fragiles, et la haine homophobe toujours présente. La résilience face à cela est un des thèmes majeurs de la saison, montrant à travers ses personnages les différentes manières de réagir de chacun, entre l’amnésie, la perte d’empathie ou d’une passion, le stress post-traumatique…

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Néanmoins, comme dans les premières versions, Queer as folk n’est pas qu’une série où il se passe des événements tragiques. On assiste à la naissance, dès le premier épisode, des jumeaux de Ruthie et Shar ; à une performance drag-queen aussi inquiétante que charismatique de Mingus ; aux dramas qui vont ensuite guider la série, les histoires des personnages tournant autour de leurs relations amicales, amoureuses et sexuelles. Il n’y a plus véritablement d’intrigues de coming-out ou de découverte de l’homosexualité, comme on pouvait le voir vingt ans auparavant. Les thématiques se font plus actuelles et plus proches : chacun sait qui il est, s’affirme, se cherche encore parfois encore dans une quête de soi-même et de ses désirs. Etre gay, non-binaire ou trans, militant, est plus naturellement accepté et présent ; les parents (surtout les mères de Mingus et Brodie) ne sont plus à chercher comment accepter l’homosexualité ou l’identité de genre de leurs enfants, mais à les encourager et les soutenir. La série fait preuve de ces vingt ans écoulés où la communauté LGBTQI+ a évolué, s’est affirmée et « normalisée ». Sans pour autant oublier que toute cette existence s’est faite au prix de nombreuses luttes et reste encore fragile.

Reflet de son époque, cette version de Queer as folk l’est aussi par sa modernité et ses luttes. La série n’hésite pas à tacler certaines dérives propres au milieu LGBTQI+, comme l’appropriation à mauvais escient ou avec égocentrisme du mouvement Black Lives Matters (avec un gay blanc s’étant tatoué le sigle sur les reins, pour mieux séduire des gays noirs). Ou encore, toutes les luttes suite à des événements tragiques, comme l’attentat du Babylone, récupérées de manière artificielle sur les réseaux sociaux par un militant cherchant uniquement un profit financier et n’hésitant pas à mentir sur sa présence ce soir-là au Babylone. Comme les personnages principaux, on se rend compte à ce moment-là, avec mépris et écœurement, de la façon opportuniste dont la cause LGBTQI+ peut être parfois utilisée et transformée par les médias, par des gens n’appartenant pas toujours aux communautés concernées.

Inclusivité et diversité comme maîtres mots

Autre différence par rapport à ses modèles, cette version de Queer as folk se veut plus inclusive. Ne serait-ce tout d’abord par le portrait de ses personnages, puisque nous avons des couples mixtes, des protagonistes non-binaires ou trans, d’origines ethniques diverses. On sort du milieu des personnages blancs des précédentes séries, justifié par leur époque, pour beaucoup plus de diversité. La série est aussi l’un des rares titres, y compris dans sa version française, à proposer des pronoms non-genrés, utilisant notamment « iel » pour deux des protagonistes principaux, ou à dire, à la naissance des jumeaux, fille et garçon, « l’avenir nous le dira », comme pour éviter toute conclusion hâtive. On trouvera d’autres mots d’écriture inclusive, comme « toustes » dans les discours les plus engagés des personnages.

Sans titre

L’inclusivité ne se fait pas cependant qu’au niveau des orientations sexuelles, de genres ou de la couleur de peau. La série propose également Julian Beaumont (Ryan O’Connell), le frère adoptif de Brodie, gay et atteint de paralysie cérébrale, qui fait ses premiers pas dans la communauté gay. Marvin (Eric Graise), ayant perdu ses jambes, handicapé, est un des militants pour plus d’accessibilité à la communauté LGBTQI+. Deux personnages qui proposent, dans leur évolution, de montrer l’exclusion qui existent dans leur propre camp à cause de leurs handicaps. Après tout, les préjugés, stéréotypes et limites ne sont pas propres au milieu hétérosexuel.

Sujet tout juste évoqué auparavant, le drag-queen fait aussi partie de l’essence de cette série, par le biais de Mingus. Le jeune adolescent en est passionné, déterminé à intégrer l’école de drag-queen ; et c’est une autre manière de montrer la fluidité des genres ainsi que la diversité de la série. Par ailleurs, il faut noter que tout le casting est à l’image de ses personnages, comme l’équipe de production de la série. Les protagonistes trans, gays, non-binaires, sont joués par des acteurs et actrices qui le sont dans la vraie vie, une chose suffisamment rare pour être notée.

Les hauts et bas d’un reboot

La série se hausse-t-elle à la hauteur de ses aînées ? On peut s’en douter, comme pour tout reboot : quand ce sont des fans des deux premières séries comme moi, qui regardent cette nouvelle version, il est difficile d’être à la hauteur d’une série qu’on a autant adorée et qui a autant apporté, signifié, voire aidé pendant de longues années. Queer as folk (US), durant ses cinq saisons de développement d’intrigues parfois déjantées mais toujours réalistes, de personnages nuancés, jamais noirs ou blancs, profondément humains, donnait l’impression de faire partie d’une famille. Un reboot est toujours dans l’ombre de son matériau d’origine, entraînant forcément comparaisons.

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Queer as folk (2022) se détourne en partie de cela en se déplaçant à la Nouvelle-Orléans, milieu de musique et d’art multi-facettes, très différent de ce qu’on est habitué à voir dans les séries américaines. Il récupère quelques éléments de la série d’origine mais sans jamais repartir dans les rails tout tracés. Brodie est bien un séducteur égocentrique, mais bien moins amoral qu’un Brian Kinney. Le couple lesbien d’origine est désormais formé par une personne non-binaire et une femme trans. L’adolescent découvrant le milieu gay est désormais Mingus, un apprenti drag queen non-binaire. Bref, il reste bien quelques caractéristiques des personnages, mais sans plus, de même que pour les événements : une naissance dès le premier épisode, un attentat homophobe, l’attirance non réciproque d’un adolescent pour un adulte… Mais la série prend le parti de tout réinventer et se forger son propre univers.

Pendant huit épisodes, on assiste avant tout à la résilience des personnages principaux suite à l’attentat du Babylone. On suit les tentatives vaines de Mingus pour essayer de conquérir Brodie, qui n’a d’yeux que pour son ex Noah ; la maternité difficile de Ruthie et Shar, désemparées face à la charge de deux enfants. Et d’autres intrigues secondaires qui se mêlent : une relation amoureuse entre Marvin et son escort, la récupération de la tragédie du Babylone auprès des médias, la lutte pour l’accessibilité au sein du milieu gay encore très validiste, le fait de se découvrir séropositif, les dynamiques de couple… bien des histoires, pour des personnages qui virevoltent, qui vivent à cent à l’heure, qui brûlent parfois la vie par les deux bouts sans se soucier des conséquences. A un point que tout s’enchaîne et change trop vite, d’un drama à l’autre dans le sens négatif du terme.

Queer as folk 2022

Sans vouloir spoiler, les évolutions des personnages sont trop brusques, pas toujours logiques, voire carrément improbables et/ou problématiques, comment en témoignent les revirements de Ruthie, Shar, Brodie, ou la mère de celui-ci. Si cette vitesse était de l’énergie et un enchaînement de situations appréciables au début, les deux derniers épisodes sont encore plus rapides et illogiques que le reste de la série. Tout va trop vite, sans prendre le temps de développer les personnages et de rendre leurs décisions logiques et crédibles, et le cœur battant de la série sonne un peu faux. Y avait-il forcément un tel besoin de vouloir traiter tous les sujets aussi vite, au lieu de laisser l’axe principal de la première saison se résoudre tranquillement et les personnages évoluer plus naturellement ? La série cherche à cocher trop de cases, ou à faire trop de choses en même temps, sans prendre le temps de rendre ses protagonistes aussi attachants qu’ils le devraient. J’ai personnellement eu du mal à m’attacher aux personnages, à moins que je ne sois simplement plus dans le public visé, capable de m’y identifier. Autant dire que pendant six épisodes, j’ai accordé à la série sa chance et un regard aussi ouvert que possible, avant de déchanter devant l’incohérence des intrigues, des personnages et de l’écriture.

« There’s nowt so queer as folk »

Et pourtant, il y a une volonté de rendre ses héros et héroïnes proches de nous. Entre deux excès de vitesse et d’intrigues incohérentes, il y a des petits moments de vérité et d’émotion brutes qui frappent. Comme lorsque Ruthie explique comment sa transition l’a dépossédée de sa sexualité pendant un long moment – l’actrice proposant d’ailleurs sans doute l’un des meilleurs personnages de la série. Lorsque Mingus explique ce que signifie le drag-queen pour lui, entre affirmation et moyen d’aller contre l’homophobie de l’attentat vécu. Quand Marvin se permet enfin d’être vulnérable lors d’une relation sexuelle, se laissant toucher entièrement malgré son handicap, sortant de son rôle de tête à claques. Queer as folk brille par ces petits moments, suspendus ici et là, mais hélas trop rares au milieu du rythme fiévreux et sensuel de la série.

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Les épisodes gardent une profonde fierté et une défiance qui n’existe pas dans les autres séries LGBTQI+ actuelles. Quand on regarde Heartstopper, on est frappé par le fait que la série souhaite être un modèle d’espace sécuritaire, où l’homophobie est presque absente, permettant un feel-good qui fait du bien et permet de construire des modèles de consentement et de relations saines, presque trop parfaits et moralisateurs. Dans Queer as folk, tout est foutraque, bordélique : les personnages ne sont pas des exemples de sainteté, possèdent leurs travers (même parfois beaucoup de travers), prennent toujours les mauvaises décisions (pourtant visibles à trente kilomètres à la ronde, au point d’en être exaspérants et incohérents). Mais ce portrait honnête, avec ses défauts et ses qualités, fait du bien. Parfois, la série se veut un peu pédagogue, mais fort heureusement, elle garde un vernis d’irrévérence et se permet des blagues loin du politiquement correct, obligeant même les personnes LGBTQI+ à regarder leurs propres défauts en face. Même si on est loin de l’insolence de ses aînées. On peut ne pas l’apprécier, mais il faut reconnaître que le reboot garde en partie le mélange d’inconvenance et de sexe explicite qui était présent à l’origine.

Queer as folk, version 2022, s’adresse sans aucun doute davantage aux gens qui ont désormais la vingtaine en regardant la série, et elle trouve davantage peut-être écho pour cette génération-là, que la mienne face aux premiers Queer as folk. Les thématiques en sont après tout actualisées, avec une diversité bienvenue et qui reflète davantage le monde d’aujourd’hui, le fait d’être queer aujourd’hui. Les problématiques ne sont plus les mêmes qu’il y a vingt ans, même si certaines restent universelles. Et si elle permet de servir de repère marquant pour sa génération, ce sera déjà une belle chose.

Cependant, elle est dépourvue d’aspects qui rendaient, à mon sens, les deux premiers Queer as folk aussi percutants : des personnages davantage nuancés et plus crédibles, une véritable immersion dans le monde LGBTQI+ au quotidien, et plus d’irrévérence. Les deux premières séries s’adressaient aussi davantage à des trentenaires dans leur vie de tous les jours, montrant les conséquences que cela pouvait avoir d’être une personne gay dans un milieu hétérosexuel, au travail, dans leur vie amoureuse, dans leurs relations amicales ou leur famille… avec des dizaines et des dizaines de scènes appartenant bien plus à un quotidien ordinaire, des rêves et des parcours « banals », là où cette nouvelle version de Queer as folk se concentre surtout sur les histoires d’amour et d’amitié de ses personnages, comme n’importe quelle série actuelle destiné à un public d’adolescents et de jeunes adultes encore dans la vingtaine, loin de thématiques plus matures et simplement différentes.


7 réflexions sur “Queer as folk (2022) | Reboot en semi-teinte

  1. Je n’ai pas encore vu cette version de QAF mais malgré les défauts que tu as relevé (et ce qui était un peu ma crainte de ce reboot), j’ai quand même envie de la découvrir. En lisant ton article, je pense que la série aurait du s’appeler autrement que Queer as Folk pas qu’elle ne mérite pas ce nom, mais on le sait que forcément, ça fait écho aux deux séries de l’époque qui ont cartonné et ça fait plus vendre.

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    1. Je pense qu’il faut quand même laisser une chance à cette série ! Et effectivement, peut être aurait elle du s’appeller autrement pour éviter le désir de comparaison, surtout qu’à part quelques éléments on ne retrouve rien. Je pense que cela s’adresse plus aux queer d’aujourd’hui qu’à nous et ça joue sur mon appréciation. J’espère que ça te plaira, n’hésite pas à me dire ton avis, j’en serais vraiment ravie !!

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      1. En fait quand ça implique des jeunes vingteniers, ben on se sentira « un peu moins » identifiés parce qu’on est tous plus âgée.
        Pas de soucis, quand je me serais sorti les doigts de où je pense, je le ferais !

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    1. Hello l’Ourse ! Je suis désolée de te répondre avec autant de retard. Merci pour tes mots d’abord ! Oui, les séries d »origine sont vraiment très bien. Après, je pense qu’elles gardent un côté assez universel pour sonner encore très fort aujourd’hui, elles manquent parfois juste de diversité et font parfois un peu daté (quand on voit leurs technologies et certaines intrigues autour par exemple). En relisant mon article QAF (US), je vois que j’étais finalement assez vague dessus !! Mais il n’empêche que cette série est toujours un immense coup de coeur, avec ces personnages qui sont devenus une famille, voire une bouffée d’oxygène à certains moments de ma vie.

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      1. Bonjour bonjour !
        Pas de souci, tu vois, j’ai fait pareil ! Des semaines très chargées et sans internet m’ont tenue éloignée des blogs, y compris du mien !
        Oui, je pense que j’essayerai un jour, ne serait-ce que pour ma culture générale !
        Pour les points que tu soulèves (diversité, côté daté), je ne pense pas que ça me dérangera. Il faut savoir remettre les choses dans leur contexte.
        En tout cas, la manière dont tu en parles donne très envie, ça t’a vraiment touchée, je le sens bien. Je doute que ça ait le même impact, peut-être parce que j’en ai moins besoin à présent, mais je me dis que ce sont des séries que j’aurais aimé découvrir quand j’étais ado/jeune adulte.

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