Un marathon en série d’un peu plus de cinq mois, s’achève. Queer as folk n’est pas la série qu’on pense à regarder, ce n’est pas la série à mettre en face de quelqu’un sensible aux scènes relativement explicites sexuellement, et enfin si les thèmes de communauté homosexuelle, d’usage de drogue, d’homophobie, rebutent, ce n’est pas non plus la peine de regarder. Idem si on n’est pas souple sur une certaine excentricité, ou si on veut croire que tout ce qu’on voit dans la série est le reflet totalement fidèle et non exagéré de la vie d’une communauté gay. Car si Queer as folk est par moments excentrique, il faut bien tenir compte qu’elle n’est pas un reflet exact de la réalité, tout en évoquant des thèmes encore actuels et bien présents, encore à notre époque, alors qu’elle a été produite de 2000 à 2005.
Et à partir de ces avertissements, on peut commencer à aimer une série qui peut choquer au début, mais qui cependant se révèle une des meilleures que j’ai pu voir. Où est exactement le déclic qui en fait le charme après quelques épisodes, je ne sais pas, mais il est là et il rend accroc, jusqu’à la fin. QAF est l’adaptation américaine de la série britannique du même nom (que je n’ai pas encore vue) et relate la vie d’un groupe de quatre amis gays, autour de qui gravitent également un couple lesbien en attente d’un enfant, un mineur faisant son coming-out, et la mère d’un des quatre personnages principaux. D’autres personnages se rajoutent par la suite, mais c’est le groupe de base. Un groupe auquel on s’attache étrangement vite au final, même si on ne peut que remarquer que le protagoniste le plus mis en avant est celui qui fait souvent tourner les intrigues, et qui apparaît comme le plus « éclatant » au début.
Nous avons, à Pittsburgh, Michael, notre narrateur du début, un homme franc et encore un peu enfantin, cependant généreux, semblable à une ancre dans le groupe. Puis son meilleur ami, l’éclatant Brian Kinney, le séducteur Don Juan-Peter Pan du groupe qui ne couche jamais deux fois avec la même personne et qui passe sa vie en carpe diem je m’en foutiste, sans âme ni émotions (typiquement le personnage qu’on aime détester, et sans doute mon favori car le plus complexe). Et ensuite le duo d’amis, Ted-Emett : Ted, un comptable coincé et intellectuel, au sérieux plus grave que le reste du groupe et par qui passeront des thématiques plus lourdes ; Emett, un peu l’image du gay par excellence, exubérant, drôle, sincère et empli d’abnégation, efféminé. Le couple lesbien, Lindsay et Mélanie, la première enceinte grâce au don de Brian, son ami proche. Le novice Justin Taylor, « Sunshine », artiste lumineux, qui sait pourtant ce qu’il veut, puisqu’il s’entiche désespérément de Brian qui ne croit qu’au sexe et pas à l’amour. La mère de Michael, excentrique, joyeuse et pourtant grave également, hétéro mais qui voit le groupe comme sa petite famille. Il y a aussi son frère, Vik, qui lui est atteint du sida. Si au début les personnages semblent ressembler à des stéréotypes ou que seuls Brian et Michael semblent fouillés, il faut peu d’épisodes pour se rendre compte du contraire.
En fait, au début, on ne sait pas trop à quoi s’attendre en regardant ça. Et puis le charme finit par prendre malgré tout. Il y a un mélange de tout là-dedans : de problèmes de société, de famille, d’amitié, d’amour, de compréhension entre les êtres, du fait de grandir et de passer du jeune adulte à l’âge mature. Il y a du comique et de la provocation, de la tragédie et de l’ironie. Il y a des thèmes qui font plus ou moins polémique entre l’acceptation d’une communauté gay, l’usage des drogues, la vision sur les relations humaines et sexuelles, la politique clairement homophobe, la prostitution, le mariage homosexuel, l’insémination artificielle. Certes, il y a un côté qui peut sembler débauché, mais parce qu’encore une fois il faut prendre la série avec recul, tout comme elle se moque d’elle-même (les personnages se moquent d’une série gay où tout est parfaite et qu’ils regardent régulièrement). Si les thématiques sont clairement orientées par les personnages, il ne faut pas craindre que cela. Les thèmes sont suffisamment universels pour parler à tout le monde et pour qu’on s’attache à la série, qu’on y trouve des échos. Que ce soit sur les relations entre les gens, le monde du travail, les visions du monde.
Car elle a beau avoir un contexte réaliste, ni totalement noir ni totalement utopique, cette série a ses moments de délire et de rêve aussi. Rares sont les séries qui ont cette force, peut-être parce qu’elle tire ses racines de la réalité et de l’humanité de notre société, sans rien minimiser. Elle se nourrit de la société d’aujourd’hui et c’est pourquoi les personnages semblent sans doute aussi proches et attachants. C’est une autre réalité qu’on apprend à connaître. Au final, cette série, je ne peux que la qualifier de terriblement humaine et c’est sans doute pourquoi elle est un vrai coup de cœur, même si elle était à l’époque de sa sortie, clairement orientée vers un public homosexuel masculin. On ne veut pas voir arriver la fin, le dernier épisode. Je n’ai pas aimé cette fin, parce qu’une série comme ça ne peut pas finir. Elle prend ses sources dans le quotidien, et le quotidien continue toujours, même quand des tournants majeurs dans la vie des personnages apparaissent. Il me semble que cela fait aussi partie de ces rares séries qu’on peut regarder de nouveau, en y trouvant à chaque fois de nouvelles significations.
Et même si c’est cru, volontairement grossier, cela en vaut la peine. Car pour contrebalancer, il n’y a pas un épisode qui ne fait pas référence à une oeuvre littéraire ou cinématographique, par exemple. On a même droit à des extraits d’opéra, via le personnage de Ted. Il y a des clichés et préjugés que cela permet de remettre en question. Peut-être paraît-elle datée aujourd’hui, peut-être était-elle plus ancrée en son époque que maintenant et que ses successeurs que je connais de nom (The L World, Looking ou que sais-je d’autre) sont plus actuels. Mais je ne sais pas si on y trouvera la même force et le même charme. En tout cas, elle me paraît toujours actuelle, et encore une fois, pas qu’au niveau des thématiques homosexuelles. A découvrir, à voir, vraiment. En sachant qu’en commençant, on risque de ne pas s’arrêter avant la fin, les cinq saisons étant harmonieuses et aucune plus faible qu’une autre, excepté peut-être ce dernier épisode de fin qui laisse un goût amer de vide…
« And what would be practical ? To get married and move to the suburbs ? And become a home-loving, child-raising, God-fearing, heterosexual imitation ? Ha ha. And for what ? So I can become another dead soul, going to the mall, and dropping my kids off at school. And having barbecue in the backyard. That’s their death. Not mine. And to anyone who takes pity or offense, I say « Judge yourself. » This is where I live. This is who I am. » (Brian Kinney, saison 5)
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