Horizon Zero Dawn | Périple entre nature et technologie

Horizon Zero Dawn a déjà trois ans, depuis sa sortie en 2017. Jeu de rôle post-apocalyptique en monde ouvert, il a sans doute été déjà suffisamment décortiqué pour que toute nouvelle analyse soit inutile. Mais le voyage dans cet univers a été tellement dépaysant, qu’il mérite bien de poser quelques mots.

Un futur primitif : retour à l’origine de l’humanité

Horizon Zero Dawn se déroule bien loin dans le futur. Un avenir lointain où les hommes ont fini par se retrouver dépassés par leurs propres inventions, par des robots intelligents qui se sont mis à dévorer la biomasse de la terre et des êtres vivants. La fin du monde tel qu’on le connaît, mais où l’humanité a fini par survivre par petites tribus primitives, dispersées ici et là. La terre est désormais peuplée de petits animaux, mais surtout de machines intelligentes évoquant de plus grands animaux disparus ou même préhistoriques, vivant en harmonie dans la nature environnante. Les ruines des villes, immeubles, voitures et grattes-ciels ne sont plus que des vestiges d’un monde technologique dont le savoir-faire a été perdu. Les fragments et pièces de robots tués par les chasseurs ne servent désormais plus que d’armes, de décorations ou de bijoux, de matières de vêtements. Les quelques objets des temps anciens que l’on trouve, ont perdu leur utilité première et ne sont que des accessoires. Toute la population est retournée à des stades primitifs de l’évolution, une préhistoire avec quelques bribes d’Antiquité ou de Moyen-Age.

Horizon présente un monde où les paysages de forêts, de prairies, de montagnes, de sable et de montagnes prédominent. C’est à peine si l’on voit encore les traces de l’ancien monde, tant la nature a tout recouvert, a repris ses droits. Les machines, si étranges au départ dans cette nature verdoyante, en sont finalement un prolongement naturel, se mêlant en harmonie avec les animaux survivants. L’humanité survit plus qu’elle ne domine, dans un monde où elle doit encore tout apprendre et découvrir, où elle a oublié la technologie numérique, l’Histoire, l’explication des phénomènes naturels.

Aloy ou la quête d’identité

Au milieu de ces tribus se distingue Aloy, l’héroïne du jeu. Née sans père ni mère, un crime dans la civilisation primitive de Horizon, elle est alors bannie dès la naissance et confiée aux soins d’un père adoptif tout aussi banni, Rost. Ceux chassés des tribus pour diverses raisons, comme des crimes commis ou l’absence de mère, sont tenus en exil, personne ne devant leur adresser la parole ni échanger quoique ce soit avec eux. La petite fille avec qui on débute le jeu décide alors de s’entraîner dur pendant des années pour pouvoir, adulte, participer à la cérémonie de l’Eclipse et ainsi gagner sa place dans la tribu nora. Les années d’apprentissage passent, où elle s’exerce physiquement mais aussi avec un petit focus, un dispositif électronique récupéré dans l’une des ruines d’autrefois. Et si Aloy sort victorieuse de la cérémonie de l’Eclipse, c’est pour assister à une embuscade où les autres participants perdent la vie, et où son père adoptif se sacrifie pour la sauver.

Horizon commence avec la perte traditionnelle du seul parent qu’elle ait jamais eu, et ce n’est pas sans déchirer le cœur du joueur. Il n’a fallu que quelques scènes pour que Rost soit en effet l’image du mentor dans toute sa splendeur, certes mystérieux et exigeant, mais aussi terriblement attachant et protecteur envers cette jeune femme. A compter de cette perte, Aloy commence à perdre la naïveté qui la caractérisait, pour devenir plus amère et plus sarcastique, sans que disparaisse sa capacité à s’émerveiller et à être curieuse du monde, des gens qui l’entourent ou des machines. Des qualités essentielles, car la tribu nora lui confie alors le statut de Chercheuse, l’envoyant enquêter sur l’agressivité croissante des troupeaux de machines. Toute l’histoire s’enclenche à partir de cette étape, menant Aloy à travers un immense territoire où chaque tribu est différente et possède un savoir-faire différent, des forgerons Oseram aux citadins Carja. Une tâche où elle cherchera aussi la réponse au mystère de ses origines.

Un périple entre primitivité et modernité

Le futur et le passé se côtoient sans cesse au gré des errances dans Horizon. Les détails des vêtements, des bijoux ou des villages rappellent tout à la fois le côté primitif des constructions, des rudiments de civilisation, et aussi des aperçus de ce qu’a été le futur. Les ruines du monde ancien – notre monde – contiennent des souterrains, des anciens ascenseurs, des écrans encore parfois allumés, des chaînes automatiques de machines qui fonctionnent encore. Par son focus, Aloy examine le monde qui l’entoure, découvre des traces du passé par des hologrammes, des journaux. A ces éléments informatifs se trouvent d’autres collectibles plus artistiques, comme ces fleurs de métal qui contiennent des anciennes poésies, écrites comme dans un programme informatique.

Il est impossible de ne pas tiquer en voyant comment les tribus d’Horizon sont redevenues sujettes aux croyances religieuses des débuts, avec l’existence d’un Dieu-Soleil, d’une déesse, ou des esprits des machines qu’un chaman essaye de comprendre. La cité Méridian est même gouvernée par un Roi-Soleil. Et pourtant, l’Histoire commence aussi à s’écrire différemment. Impossible de ne pas être frappé par la présence bien plus importante des femmes (c’est parce qu’Aloy est sans mère, surtout, qu’elle est bannie), celles-ci occupant des postes importants, comme les Matriarches nora. La société est peut-être plus matriarcale que patriarcale. Aloy est amenée à croiser bien des personnalités différentes, touchantes ou fascinantes selon ses quêtes, comme l’inquiétant Nils qui ne vit que pour tuer des bandits, la jeune Elida qui doit faire face à un amour perdu, ou Sylens en qui il valait effectivement mieux ne pas avoir confiance. Les peuples d’Horizon sont durs, vivant dans un monde qui leur est ouvertement hostile, où vivre est un combat, et où la mort apparaît souvent douloureuse, mais faisant partie du quotidien.

Bien sûr, des clans se font toujours la guerre, les batailles demeurent, les préjugés entre tribus restent. L’humanité est nouvelle, mais ayant tout oublié du passé, elles n’a pas appris des erreurs de la civilisation précédente. Et c’est sans doute un des messages d’Horizon, car Aloy, en enquêtant sur les machines puis le monde ancien, deviendra l’une des seules à apprendre l’Histoire du monde, à comprendre les sacrifices de l’humanité précédente, et à agir afin de protéger son propre univers.

Voyage vers une aube nouvelle

Horizon, en tant que jeu vidéo, remplit toutes les cases d’un RPG de très bonne qualité : arbre des compétences, diversité des armes et du gameplay avec le piratage des machines, quêtes principales et secondaires sans remplissage, avec un scénario fouillé et tenant bien la route. Il tient aussi beaucoup de son charme à ses personnages et notamment son héroïne. Aloy est parfois désillusionnée et cynique, mais elle a également bon cœur et une grande détermination. Elle est un personnage qui a su me charmer par son mélange de curiosité, d’humour, de caractère et de positif. Elle est quelque fois arrogante et imbue d’elle-même, parfois plus égoïste qu’altruiste, mais elle a bon fond et ne renonce jamais. Elle est une héroïne extrêment positive avec du mordant, comme j’aimerais en voir davantage dans les jeux vidéo. Son évolution tout au long de l’histoire est finement dressée, lui permettant de découvrir ses origines, la menace qui agite son monde, pour au final être en paix avec elle-même. Elle n’a même aucune romance au cours du jeu, Aloy devant avant tout se construire et se connaître elle-même. La cinématique finale est de celles qui mettent la larme à l’oeil, après avoir été autant impliquée dans la vie de cette héroïne, après avoir découvert les secrets du monde ancien, porteurs de rédemption, mais aussi terriblement durs et désespérants.

Si le monde d’Horizon Zero Dawn m’a tellement plu, c’est par ses personnages, sa diversité. Mais aussi parce qu’il m’a permis de rêver et d’être complètement dépaysée dans ses environnements naturels. Les graphismes du jeu sont d’une telle beauté qu’on s’arrête pour voir les rayons d’un coucher de soleil et le changement de lumière sur les décors alentours, pour voir la poussière s’élever dans le ciel, pour admirer une cascade ou les lumières bleutées des machines dans la nuit. Le monde d’Horizon est terriblement vivant, et de toute beauté, poussant à s’arrêter pour contempler chaque panorama. Il est à la fois enivrant et apaisant de parcourir chaque région, simplement pour admirer le paysage, ou pour croiser des nouveaux troupeaux de ces machines si parfaitement intégrées à l’environnement.

C’est un univers où l’humain a aussi perdu de ses erreurs, et où les dernières révélations du monde avant l’apocalypse sont déchirantes, tout en étant porteuses d’espoir. Les machines qui parcourent la terre sont un retour à une nature verdoyante, le signe que la technologie peut aller si loin qu’elle finit par détrôner l’humanité. Horizon est à la fois une quête initiatique pour son héroïne, et aussi un rappel propre à la science-fiction, celui où l’humanité ne parvient plus à contrôler ses propres créations, ses avancées technologiques, pour finalement en payer le prix. Encore faut-il que la nouvelle humanité sache ces erreurs, pour en apprendre des leçons. Heureusement, Aloy devient peu à peu la passerelle entre ces deux espaces-temps, permettant d’espérer un futur plus radieux entre hommes et machines…

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9 réflexions sur “Horizon Zero Dawn | Périple entre nature et technologie

  1. Franchement, ta critique est superbe ! On sent toute l’estime que tu as pour ce jeu, l’un des meilleurs de sa génération (bien que sur le plan du gameplay pur, il s’inspire simplement de ce qui se fait se mieux chez ses concurrents ; je pense notamment à la trilogie Tomb Raider et à The Witcher 3, forcément, sans oublier les jeux Ubisoft tels que Far Cry).

    La grande force de HZD, comme tu le dis, c’est la capacité à nous plonger dans un univers post-apocalyptique non pas sinistre, mais somptueux de par la grande place qu’occupe la nature, qui est un personnage singulier du jeu. De plus, et tu le dis aussi très bien, Aloy bouscule les codes des héroïnes classiques de jeux vidéo : elle n’est pas sexualisée à outrance, elle est forte et débrouillarde, et très positive en effet !

    « Il n’a fallu que quelques scènes pour que Rost soit en effet l’image du mentor dans toute sa splendeur, certes mystérieux et exigeant, mais aussi terriblement attachant et protecteur envers cette jeune femme. » => C’est tout à fait vrai !

    Je te recommande vivement de jouer à l’extension The Frozen Wilds, qui est dans la continuité du jeu de base. On continue à en apprendre sur l’univers de HZD et même sur Aloy !

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    1. Merci beaucoup pour le compliment Eric ! D’autant que je sais que tu es un grand fan de ce jeu toi aussi. 😀 Oui, j’ai vraiment beaucoup aimé ce jeu, plus que je ne m’y attendais d’ailleurs. Effectivement, il s’inspire de beaucoup de mécaniques déjà existantes, mais il sait en tirer le meilleur en l’orchestrant avec sa propre histoire et ambiance. Ces deux derniers étant sa grande force…avec l’héroïne ! J’ai adoré la voir écrite ainsi, courageuse, curieuse, confiante en elle, déterminée à aller au bout de ses choix et à les assumer. Tout comme Rost, qui déchire le coeur alors qu’on ne le voit pas si longtemps.

      Je jouerai très probablement à l’extension, je suis curieuse de voir où elle emmènera..en attendant la suite ! Merci pour ton passage par ici ^^

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  2. Ton article est en effet complet et très juste. Ce qui est réjouissant, c’est que la société matriarcale et le féminisme tombent sous le sens. L’humanité vénère la nature et les personnes capables de donner la vie naturellement à une époque dominée par les machines, ou presque. Et pas ces engins géants qui portent des noms de divinités et ont contribué à créer un nouvel écosystème artificiel. Horizon Zero Dawn se démarque des autres jeux par l’originalité et surtout par le souci du détail de son univers. Il faudra que tu lises mon artbook car les décors et costumes sont vraiment bien pensés.

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  3. Très plaisant à lire, quand bien même on a jamais joué à ce jeu. J’aime beaucoup l’univers que tu dépeins, il semble vraiment très riche, intelligemment construit, et touche à pas mal de thématiques qui me parlent. Ca me fait même penser à mon animé préféré sur certains points !

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    1. Merci beaucoup pour ta lecture et ton passage ici ! Oui, l’une des forces de Horizon, c’est sa civilisation et son univers, sans compter quelques thématiques qui m’ont effectivement touchée, entre l’héroïne positive, le rapport à la nature, à la mort ou la matriarchie en place. Quel est cet anime préféré ?

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      1. J’ai vu la saison 1, mais pas la 2. J’avais beaucoup aimé, même si là tout de suite, je n’ai pas de parallèles qui s’établissent tout de suite (je l’ai vue il y a déjà un moment). Il faudra que je rattrape ça 🙂

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  4. Je profite d’avoir un peu de temps libre pour rattraper les (nombreux) articles que j’ai en retard, et quelle coïncidence : alors que l’on vient de découvrir l’existence d’Horizon: Forbidden West, je découvre ton article sur Horizon: Zero Dawn haha !

    Un très bel article d’ailleurs, qui aborde avec une grande justesse l’univers du jeu et le sens de tout ce qu’il comporte. Ça a été un plaisir de pouvoir replonger dedans le temps de quelques paragraphes. Ce jeu est tellement exceptionnel à mes yeux, pour tout le lore qu’il a réussi à mettre en place mais aussi pour son héroïne ultra attachante et charismatique. Il n’est peut-être pas parfait, mais il n’en reste pas moins le jeu de cette génération pour moi. J’ai plus que hâte de découvrir la suite du périple d’Aloy.

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    1. Le hasard fait bien les choses ! 😀 Mais comment ne pas admirer Horizon ? J’ai trouvé la bande-annonce du 2e opus géniale. J’aime le fait qu’ils parlent encore plus d’exploration à venir, que ça se passe totalement ailleurs… ça a l’air bluffant et très bien parti. Et retrouver cet univers me fera très plaisir. C’est vraiment un de ces jeux où, passé un moment un peu long au début, on se laisse emporter par l’histoire, la beauté des paysages, le gameplay, et surtout l’héroïne. On y replonge avec plaisir (le DLC que j’ai fait depuis était génial lui aussi !!). Et ce côté archéologue du passé/futur change aussi tellement des autres RPG, ça fait son charme aussi. Vivement Forbidden West. Merci pour tous tes commentaires et ton passage sur le blog ! 😀

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